Yves Allégret venait de remporter un succès en 1948 avec Dédée d’Anvers, interprété par Simone Signoret et Bernard Blier. Le goût du cinéaste pour les histoires sombres l’a tôt fait inclure dans le courant existentialiste de l’époque, transposé au cinéma. En pleine période d’après-guerre, Allégret s’écarte en effet des intrigues en vogue qui taisent la situation sociale difficile du pays. En refusant le conformisme ambiant, il transmet avec force une vision d’une génération à l’avenir incertain, ce qui est alors considéré comme un discours démobilisateur. Il éloigne son propos des revendications frontales, et préfère le délivrer au travers d’une enquête policière, où l’on s’interroge sur l’identité du criminel qui aurait perpétré le meurtre de la chanteuse. De cette dernière, on n’entend que la voix par le biais d’un disque, et tout dans ce dispositif reflète l’habileté évocatrice du cinéaste. Gérard Philipe, impénétrable, interprète à la perfection le rôle de Pierre, qu’Allégret prend un malin plaisir à entourer de mystère. Il se tient à l’unité de temps, de lieu et d’action, et raconte en style indirect, dans une focalisation comportementale, les tourments de Pierre, sans jamais que ce dernier ait à s’en expliquer. Pessimiste, fataliste, nombreux sont les adjectifs utilisés pour caractériser Une si jolie petite plage. Le film est avant tout somptueux, grâce au talent du chef-opérateur Henri Alekan. Celui-ci a créé une atmosphère intrigante et flottante, que les paysages de la mer du Nord sous la pluie, associés aux cris des mouettes, servent magnifiquement. Allégret fait appel à une tonalité de réalisme satirique et signe une mise en scène subtile. La musique et le son, deux éléments qui illustrent l’éternel recommencement qu’évoque l’intrigue, sont extraordinaires. « Avec ce film avant tout d’atmosphère, il existe ici une tentative réelle et intéressante de créer un nouveau langage cinématographique. » (Jacques Siclier)
Jacques Sigurd et Yves Allégret
Un temps journaliste à L’Écran français, Jacques Sigurd commence sa carrière de scénariste avec Yves Allégret. Ensemble, ils réalisent en trois ans une trilogie sombre, initiatrice du réalisme psychologique. Ce sera Dédée d’Anvers en 1948, Une si jolie petite plage en 1949 et Manèges en 1950. Les deux amis travailleront ensemble sur d’autres films, et le scénariste collaborera également avec Christian-Jaque, Gilles Grangier, Marcel Carné…
La voix de la chanteuse
C’est Madeleine Robinson, l’interprète de Marthe, qui prête sa voix à la chanteuse assassinée sur les enregistrements que les protagonistes écoutent sur le phonographe.
Retrouvailles
C’est sur Une si jolie petite plage que Gérard Philipe retrouve sa première partenaire. Il avait en effet fait ses débuts au théâtre avec Madeleine Robinson, dans la pièce Une grande fille toute simple d’André Roussin en 1942 au Casino de Nice.
Une si jolie petite plage
France, 1949, 1h31, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Yves Allégret
Scénario : Jacques Sigurd
Photo : Henri Alekan
Musique : Maurice Thiriet
Montage : Léonide Azar
Décors : Maurice Colasson
Production : Émile Darbon, Darbor Films, Compagnie Industrielle et Commerciale Cinématographique, Dutch European
Interprètes : Madeleine Robinson (Marthe), Gérard Philipe (Pierre), Jean Servais (Fred), Jane Marken (Mme Mathieu), Julien Carette (le voyageur de commerce), André Valmy (Georges), Paul Villé (M. Curlier), Mona Dol (Mme Curlier), Christian Ferry (le pupille), Gabriel Gobin (Arthur), Gabrielle Fontan (la vieille), Robert Le Fort (le commissaire)
Sortie en France : 19 janvier 1949
COPIE RESTAURÉE
Pathé
Distributeur : Pathé
Copie numérique issue d’une restauration 2K.
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