Avant-dernière œuvre de Jacques Demy, Une chambre en ville est un film musical. C’est l’un de ses des plus anciens projets, commencé sous forme romanesque au début des années 1950. L’aventure fut longue, et semée de déconvenues. Son fidèle alter ego musical, Michel Legrand, refuse le projet en 1972, déclarant à Demy ne pas le reconnaître dans ce film. Pourtant, le cinéaste a mis tout ce qui lui tient à cœur dans ce scénario, et assume son choix du réalisme et de la noirceur. Selon ses propres termes : « On ne peut pas passer son temps à rêver comme je l’ai fait jusqu’ici, ce n’est pas tout à fait honnête. Alors je suis revenu à la réalité. L’idée est qu’il faut toujours se battre. Pour vivre, pour avoir un salaire décent ou pour garder son amour. Et qu’on en crève. » (Libération, octobre 1982). Jacques Demy a fait l’objet de plusieurs rétrospectives récentes (Institut Lumière, Cinémathèque française), permettant de découvrir son univers si particulier : Lola (1961), Les Parapluies de Cherbourg (1964), Les Demoiselles de Rochefort (1967), ou encore Peau d’âne (1970). Le titre Une chambre en ville évoque l’idée d’un lieu provisoire, que l’on traverse à la façon d’un port ou d’un bistrot, où l’on est à la fois chez soi et chez quelqu’un d’autre, d’un lieu où s’additionnent les signes de sa propre vie comme de celles qui l’ont précédée. Pour y séjourner, Demy a choisi une équipe magnifique : Dominique Sanda, Danielle Darrieux, Richard Berry, Michel Piccoli, Jean-François Stévenin. Cette œuvre inoubliable, dominée par la couleur rouge, est le film-somme de Demy : hommage à sa ville de Nantes, à l’amour, au prolétariat et à la lutte sociale. « Une chambre en ville deviendra le film de Jacques Demy le plus proche de l’art lyrique, grâce à une collaboration exceptionnelle avec le compositeur Michel Colombier. Le cinéaste y réalise un rêve de cinéma semblable à un opéra populaire. Ce terrible récit de passion sur fond de grève est donc un manifeste, une création unique en son genre. Chef-d’œuvre absolu, Une chambre en ville s’avère le testament artistique du cinéaste, ses véritables adieux non seulement au cinéma mais aussi à son propre univers esthétique et autobiographique. » (Jacques Demy, Olivier Père et Marie Colmant, La Martinière, 2010) Malgré cela, le film connaîtra un échec douloureux et injuste à sa sortie, que les neuf nominations à la cérémonie des César en 1983 n’apaiseront pas.
Un projet à cœur
Jacques Demy commence à travailler sur cette histoire dans les années 1950, sous forme d’un roman dont il écrit quelques chapitres. « Et puis j’avais tout laissé tomber parce que je m’étais dit que ce n’était pas du tout un roman, qu’il valait mieux en faire un film. » Après être revenu sur le projet à plusieurs reprises et une lutte de plus de dix ans, son rêve devient réalité en 1982. « Il y a peu de films que " j’ai voulu" comme celui-ci. Peu de films que j’ai rêvé comme celui-ci. »
Nantes, sa ville
Les extérieurs d’Une chambre en ville sont tournés à Nantes, ville du cinéaste. Comme ce fut le cas avec Lola (1961), Jacques Demy met en valeur sa ville, ses rues, son port, ainsi que le célèbre passage Pommeraye.
Une tragi-comédie musicale
Afin de qualifier son film et d’éviter « un affreux malentendu », Jacques Demy désigne lui-même Une chambre en ville de "tragi-comédie musicale", « à la fois plus grave et plus drôle [que Les Parapluies de Cherbourg.] Grave parce que les personnages ont une destinée tragique. Ils vivent à l’intérieur d’une situation extrêmement dramatique. Drôle parce que l’outrance de certaines situations et les excès de langage permettent aux personnages d’échapper à leur condition en réagissant avec humour. »
Restauration
En 2013, la Cinémathèque française et Ciné-Tamaris ont proposé, sous l’impulsion de Rosalie Varda et Mathieu Demy, une belle exposition Demy accompagnée d’une rétrospective, reprise à l’Institut Lumière. Ce dernier a contribué directement à la restauration d’Une chambre en ville.
Une chambre en ville
France, 1982, 1h30, couleurs, format 1.66
Réalisation & scénario : Jacques Demy
Photo : Jean Penzer
Musique : Michel Colombier
Montage : Sabine Mamou
Décors : Bernard Evein
Costumes : Rosalie Varda
Production : Christine Gouze-Rénal, Progéfi, TF1 Films Production, UGC, Top n°1
Interprètes : Dominique Sanda (Edith Leroyer), Richard Berry (François Guilbaud), Danielle Darrieux (Margot Langlois), Michel Piccoli (Edmond Leroyer), Fabienne Guyon (Violette Pelletier), Anna Gaylor (Mme Pelletier), Jean-François Stévenin (Dambiel), Jean-Louis Rolland (Ménager), Marie-France Roussel (Mme Sforza), Georges Blanes (le chef des CRS)
Sortie en France : 27 octobre 1982
Copie restaurée - Ciné-Tamaris / Institut Lumière
Distributeur : Ciné Tamaris
Le film a été restauré par Ciné-tamaris avec le soutien de l’Institut Lumière, des Archives Françaises du Film, de Digimage et de mySkreen.com.
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