En exergue du film, Bergman note : « J’ai écrit Scènes de la vie conjugale en trois mois, tourné en quatre… mais il m’a fallu une vie entière d’expérience. Je vous demande de bien vouloir y consacrer une soirée de votre vie ». Replié sur l’île de Farö (où il a fait construire une maison qu’il partagea un temps avec celle qui fut sa femme, Liv Ullmann), Bergman écrit et poursuit son œuvre. Parfois dans la difficulté : Cris et chuchotements, tourné l’année précédente (malheureusement pas encore restauré, d’où son absence dans cette rétrospective) et unanimement salué comme un chef-d’œuvre, n’a pas encore trouvé de distributeur. Il se tourne alors vers la télévision, dont le format correspond à ce qu’il veut traiter : la vie de couple.
Après un film où le silence est roi (Cris et chuchotements), Bergman s’abandonne au vertige de la parole. Contraint par un budget limité, il tourne rapidement dans des décors rudimentaires, dont un studio qu’il a créé dans sa grange. Le résultat est sublime, d’une force incroyable. « Le maître s’est totalement dévêtu pour entrer dans l’arène, mais sans rien abandonner de l’essentiel, lit-on dans Cinématographe, une très bonne revue française des années 1970. Ce regard attentif mêlé de rage impuissante, cette recherche inlassable de la moindre lueur pouvant naître du choc des volontés humaines qui interrogent le destin après avoir exclu le bonheur. » Deux êtres qui, dix ans durant, s’attirent, s’affrontent, se blessent et se reconstruisent. On assiste à la métamorphose d’un couple à première vue modèle, disséqué sans fausse pudeur, à l’aide d’images saisissantes et de dialogues ciselés. À la télévision suédoise, où l’œuvre est diffusée en six fois cinquante minutes, le succès est gigantesque : plus de trois millions de personnes regardent les derniers épisodes, soit plus du tiers de la population. Bergman reprendra le montage de ces six chapitres pour en faire un film de deux heures et demie. Par son format, il n’était pas éligible aux Oscars, mais il reçut le Golden Globe du meilleur film étranger en 1975, puis de nombreux prix pour les performances des acteurs, le scénario et la réalisation. Il fut également adapté pour la scène et on dit que le scénariste de Dallas s’en inspira pour créer la légendaire série américaine.
La liberté de la télévision
C’est en attente d’un distributeur pour Cris et chuchotements que Bergman écrit Scènes de la vie conjugale.
Le budget étant très limité, il décide de répéter chaque épisode pendant cinq jours et de le tourner les cinq jours suivants. Tout ira vite, les acteurs, passionnés par leurs rôles, n’ayant eu besoin que de peu de temps de répétition. À mi-parcours, le réalisateur vendra les droits pour les pays nordiques à la télévision suédoise, afin d’assurer le financement de la fin du tournage. Bergman : « Scènes de la vie conjugale a donc été une production pour la télévision et nous l’avons tournée sans éprouver le poids paralysant de devoir faire un film pour le cinéma ; ce fut un plaisir. » La pratique est devenue courante, elle ne l’était pas à l’époque.
Un couple
Trente ans après Scènes de la vie conjugale, Bergman retrouve le couple Ulmann-Josephson pour Saraband, son dernier film. Entre temps, ils auront noué un lien indéfectible, entre théâtre et cinéma, où Liv Ullmann filmera à plusieurs reprises Erland Josephson, dans ses propres films : Sophie (1992) ou Infidèle (2000).
Bergman par Assayas
« Avec Scènes de la vie conjugale, Bergman livre le noyau brûlant, dénudé, de son œuvre, dépourvu de toute fioriture, de tout artifice. Voilà le sujet à l’état pur, la source qui a toujours alimenté son cinéma, les corps qui s’attirent, se repoussent, le désir contre le respect de soi, le sexe face à la lâcheté. La dégradation des âmes par les années, au fil des échecs et des compromis. La solitude à l’heure du bilan.
Pas de récit ni de formalisme : la vie palpite dans ce film comme rarement au cinéma. » (Olivier Assayas, « Itinéraire bergmanien », in Conversation
avec Bergman, Cahiers du Cinéma, 1990)
Scènes de la vie conjugale (Scener ur ett äktenskap)
Suède, 1973, 2h50, couleurs (Eastmancolor), format 1.37
Réalisation & Scénario : Ingmar Bergman
Photo : Sven Nykvist
Montage : Siv Lundgren
Décors : Björn Thulin
Costumes : Inger Pehrsson
Production : Ingmar Bergman, Lars-Owe Carlberg, Cinematograph AB
Interprètes : Liv Ullmann (Marianne), Erland Josephson (Johan), Gunnel Lindblom (Eva), Bibi Andersson (Katarina), Jan Malmsjö (Peter), Barbro Hjort af Ornäs (Mme Jacobi), Anita Wall (Mme Palm, la journaliste), Lena Bergman (Karin)
Sortie en Suède : 11 avril 1973 (première de la série TV en 6 épisodes)
Sortie en France : 22 janvier 1975
COPIE RESTAURÉE
Svenk Filmindustri StudioCanal
En partenariat avec StudioCanal, copies restaurées par Svensk Filmindustri
Distributeur : StudioCanal
La restauration a débuté en reprenant le négatif 35mm qui a été scanné en fichiers dpx 2K. Un master a été créé à partir des fichiers en utilisant, quand cela était possible, le matériel de référence. Après cette étape, le principal outil de restauration, Phoenix, a permis de supprimer toute poussière, rayure et autres défauts. Un Master a été créé sur support HDCAM SR et archivé les fichiers 2K sur support LTO.
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