Bertrand Tavernier dans la (future) nouvelle version de 50 ans de cinéma américain : « Tarantino concrétise toutes les promesses de Reservoir Dogs et va bien au-delà. Avec une dextérité, un brio stupéfiants, il mélange les tons, casse la chronologie, brasse plusieurs intrigues, multiplie les changements de points de vue, les coïncidences (et en joue superbement). Adoptant une structure circulaire (l’épilogue rejoint l’introduction), il imbrique, avec l’aide de Roger Avary, trois histoires, présentées dans un ordre non-chronologique et qui ont toutes un protagoniste principal différent (Vincent Vega, Butch Coolidge et Jules Winnfield). L’inspiration vient du film de Mario Bava, Les Trois Visages de la peur (1963) dont pourtant le ton, la direction d’acteurs sont à l’opposé de ce qui fait la force de Pulp Fiction (qu’au Québec on traduira par Fiction Pulpeuse !). »
Avant même l’accueil offert à Reservoir Dogs, qui lui donnait la certitude de réaliser un deuxième film, Tarantino en avait déjà rassemblé la matière, organisée d’abord sous forme de petites histoires. Il décide de les additionner pour en faire un scénario qui s’appellera Pulp Fiction. « Je me suis efforcé d’entrecroiser ces intrigues de manière à ce qu’elles convergent à la fin. Je voue à chacune une égale affection. » Admirateur de John Travolta, qu’il trouve sous-employé depuis le Blow Out de Brian De Palma (1981), Tarantino lui confie le rôle de Vincent. Avec un sens du casting étourdissant, il s’entoure de Bruce Willis, Samuel L. Jackson, Uma Thurman, ainsi que de plusieurs acteurs de Reservoir Dogs. Tarantino parsème son scénario de références qui apparaissent alors étonnantes (on a appris depuis à connaître ses goûts, ou plutôt, à tenter de le suivre dans ses passions cinéphiles). Il utilise notamment la technique de l’« overlapping », à savoir un dialogue très serré, inventé par le tandem de scénaristes hollywoodiens Ben Hecht et Charles MacArthur (La Dame du vendredi/ His Girl Friday d’Howard Hawks en est une parfaite illustration – lire le livre de Todd McCarthy, Hawks). En outre, le cinéaste transpose des situations déjà vues des centaines de fois au cinéma, ce qu’Alberto Morsiani définit comme une mythographie du quotidien : « Tarantino émaille ces archétypes narratifs d’incidents de parcours divers, qui semblent presque jaillir des légendes métropolitaines d’aujourd’hui, comme le rendez-vous chez le dealer ou la chambre de torture dans le sous-sol du magasin de prêts sur gages. » (Alberto Morsiani, Quentin Tarantino, Gremese, 2005). Le tout sur un mode narratif toujours surprenant, brillant et constamment maîtrisé.
En mai 1994, Tarantino saute sur la scène du palais des Festivals de Cannes pour recevoir des mains de Clint Eastwood, président du jury, une Palme d’or à la fois surprise et totalement méritée. Il réussit ainsi un coup de maître : tout en convoquant l’histoire du cinéma, Tarantino façonne son style, unique et inimitable. Le résultat : un film culte, mélange délirant en hommage aux thrillers, à l’humour noir et à la pop culture.
Récompenses
Découvert par Sundance, QT était venu à Cannes présenter Reservoir Dogs en séance de minuit. En 1994, à son deuxième film, le voilà en compétition, l’année où le jury est présidé par Clint Eastwood. Pulp Fiction reçoit la Palme d’or. La fête qui suivra deviendra légendaire. En 2004, Quentin acceptera à son tour la présidence du jury et y présentera Kill Bill 2. Puis il reviendra en compétition avec Boulevard de la mort et Inglourious Basterds, qui lui permettra d’offrir le prix d’interprétation masculine à Christoph Waltz.
Trois nouvelles pour un film
Encore employé dans son vidéo-club d’Hermosa Beach, Quentin Tarantino écrit une nouvelle policière, inspirée du légendaire magazine Black Mask. Il demande à son ami Roger Avary de faire la seconde et finit par écrire lui-même la troisième. Travaillant sur d’autres projets, il laisse ces nouvelles de côté. Après le succès de Reservoir Dogs, le cinéaste décide de les remanier et de les confier à trois réalisateurs différents. Puis il se ravise pour les entremêler et réaliser lui-même Pulp Fiction.
Black Mask
Star des « pulp magazines » (presse populaire, bon marché, inventive), Black Mask est lancé en avril 1920 : cinq magazines en un, qui vantent « The best stories available of adventure, the best mystery and detective stories, the best romances, the best love stories, and the best stories of the occult. » Quelques années plus tard, Black Mask est diffusé à plus de cent mille exemplaires.
Uma thurman chez Tarantino
Uma Thurman fut difficile à convaincre. Bien qu’admiratrice de Reservoir Dogs, elle fut effrayée par sa violence. Mais le scénario de Pulp Fiction lui parvient : « J’ai trouvé ça assez terrifiant. Mais j’ai été conquise par cette énergie incroyable. Et dès notre premier dîner, on était comme de vieux amis. C’était vraiment incroyable. Il m’a rencontrée et s’est dit qu’il avait rencontré Mia. » Ils se retrouveront aussi pour Kill Bill.
Pulp Fiction
États-Unis, 1994, 2h34, couleurs, format 2.35
Réalisation : Quentin Tarantino
Scénario : Quentin Tarantino, d’après une oeuvre originale de Quentin Tarantino et Roger Avary
Photo : Andrzej Sekula
Musique : Dick Dale & His Del-Tones (Misirlou), Kool & The Gang (Jungle Boogie), Al Green (Let’s Stay Together), The Tornadoes (Bustin’ Surfboards), Dusty Springfield (Son Of a Preacher Man), The Centurions (Bullwinkle Part II), Chuck Berrry (You Never Can Tell), Urge Overkill (Girl, You’ll Be A Woman Soon), The Revels (Comanche), The Statler Brothers (Flowers On The Wall), The Marketts (Out of Limits), The Lively Ones (Surf Rider)
Montage : Sally Menke Décors : David Wasco
Costumes : Betsy Heimann
Production : Lawrence Bender, Miramax International, A Band Apart, Jersey Films
Interpretes : John Travolta (Vincent Vega), Bruce Willis (Butch Coolidge), Samuel L. Jackson (Jules Winnfield), Uma Thurman (Mia Wallace), Harvey Keitel (Winston Wolf), Tim Roth (Pumpkin), Amanda Plummer (Honey Bunny), Maria de Medeiros (Fabienne), Ving Rhames (Marsellus Wallace), Eric Stoltz (Lance), Rosanna Arquette (Jody), Christopher Walken (le capitaine Koons), Quentin Tarantino (Jimmy Dimmick)
Présentation au Festival de New York : 23 septembre 1994
Sortie aux États-Unis : 14 octobre 1994
Présentation au Festival de Cannes : 12 mai 1994
Sortie en France : 26 octobre 1994
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