Musique dans les ténèbres

Alors qu’il écrit et commence à mettre en scène ses propres pièces, le jeune Ingmar Bergman entre en 1942 à la Svensk Filmindustri comme relecteur et correcteur de scénarios. En 1944, en plus d’être le directeur du théâtre de Helsingborg, il collabore à l’écriture et au tournage de Tourments (Hets) d’Alf Sjöberg. Cette expérience lui donne envie d’être seul maître à bord, ce qu’il va faire avec Crise (Kris, 1946), Il pleut sur notre amour (Det regnar på vår kärlek, 1946), L’Éternel mirage (Skepp till India land, 1947), Ville portuaire (Hamnstad, 1948), puis Musique dans les ténèbres. Avant la sortie de ce dernier, Bergman est perçu comme un cinéaste sombre, qui pousse l’introspection à l’extrême, et connaît quelques difficultés à rencontrer le public. Comme il est très productif, la critique a du mal à le cerner, d’où quelques malentendus qui ne cesseront jamais tout à fait, dus aussi à la sortie tardive, décalée, ou encore inversée, de certains de ses films. En 1958, François Truffaut, qui n’est pas encore totalement cinéaste (il a juste tourné Les Mistons), relate le rejet par les Suédois après le visionnage des premiers films de Bergman : « On le traitait de collégien subversif, on le soupçonnait de blasphème, il irritait profondément». C’est son producteur Lorens Marmstedt, avec qui il se sent en symbiose, qui pousse Bergman à travailler d’après le roman de Dagmar Edqvist : « Ingmar, tu as tout raté jusqu’à présent. Voici une histoire très sentimentale qui plaira au public. Tu as besoin d’un succès au box-office. » Marmstedt a du flair, et sa prédiction ne sera pas démentie : le cinéaste rencontre son premier succès. Comme Hitchcock, Bergman fait une apparition dans ses premiers films (ici, il est un des voyageurs dans le train qui emmène les tourtereaux en lune de miel). Bien que de facture plutôt naïve, selon le réalisateur lui-même, le film se distingue des autres productions de l’époque par son traitement de la solitude et de l’angoisse chez son héros, conférant à l’œuvre un certain réalisme poétique.

Mai Zetterling et Ingmar Bergman
Musique dans les ténèbres est la première et unique collaboration entre Mai Zetterling et Bergman en tant que réalisateur. Ils s’étaient déjà rencontrés lors du tournage de Tourments d’Alf Sjöberg (1944), dont Bergman était alors l’assistant.

Mai Zetterling en Sainte Lucie
La Sainte-Lucie, fête traditionnelle, est célébrée tous les 13 décembre en Suède. En plein tournage, l’équipe de Musique dans les ténèbres choisit la jeune Mai Zetterling pour porter la couronne de bougies. En écho à son rôle dans le film, l’actrice apporte ainsi la lumière à l’équipe, en ce jour le plus sombre de l’année.

Une rencontre
Le producteur Lorens Marmstedt avait acquis les droits du roman de Dagmar Edqvist, qui n’enthousiasmait pas Bergman. Les deux hommes décident de rencontrer ensemble l’auteur. Bergman : « C’était une personne ravissante, drôle, chaleureuse, intelligente et de plus très féminine et jolie. Je rendis les armes. On allait écrire ensemble le scénario. »