Monika, ou le grand surgissement de Bergman sur la scène internationale. Adapté du roman naturaliste éponyme de Per Anders Folgeström, qui participera au scénario, Monika est tourné juste avant que le cinéaste ne rejoigne le théâtre municipal de Malmö, où il fera une carrière prestigieuse. Et même si l’été est au cœur de l’imaginaire bergmanien, c’est également le moment idéal pour tourner entre deux saisons théâtrales. Lors de sa sortie, Monika fera scandale et sera taxé de pornographie, à cause du corps nu d’Harriet Andersson. Bergman évoquera dans ses mémoires un tournage facile, empli de liberté et de spontanéité, souvenirs heureux auxquels s’ajoutera le succès public. La performance d’Harriet Andersson n’est pas pour rien dans cet engouement : affranchie, sensuelle, Monika a marqué les esprits. Le cinéaste qualifiera d’ailleurs l’actrice de « l’un des rares génies cinématographiques, dont le charme érotique et sauvage n’avait pas d’égal ». La photographie du film est aussi somptueuse que dans Jeux d’été : l’éclat estival sied parfaitement à l’illusion de bonheur que cherche à créer le cinéaste, pour qui le soleil n’est pas seulement synonyme de perfection : « En juillet et août, le soleil ne se couche jamais. La lumière du soleil me rend claustrophobe. C’est comme une menace cauchemardesque, effrayante. » Monika, c’est aussi le premier regard-caméra qu’offre Bergman au cinéma. Ces fameuses minutes où Harriet Andersson fixe l’objectif, Alain Bergala, dans un petit livre consacré au film (Monika, Yellow Now, 2005) les définira de façon éloquente : « À chaque spectateur, Monika demande personnellement : "Soit tu restes avec moi, soit tu me condamnes et tu restes avec mon gentil mari". Chaque spectateur doit se décider et prendre un parti. Il ne s’agit pas d’une petite transgression, mais d’une date fondatrice du cinéma moderne qui éprouve une phobie envers une direction du spectateur où tout le monde passe en même temps par la même compréhension, la même émotion, où il n’y a pas de dysfonctionnement dans la gestion collective des spectateurs. » Aux États-Unis, Monika reste le film de Bergman ayant connu le plus grand succès. Il en reste pourtant à venir.
Un regard camera d’anthologie
Pendant quelques saisissantes minutes, Monika fixe effrontément l’objectif en tirant sur sa cigarette, s’affranchissant de toute convention. Ce plan deviendra, pour les jeunes cinéastes, un modèle dans leur façon de filmer les femmes, à l’instar de Jean-Luc Godard qui y verra « le plan le plus triste de l’histoire du cinéma ».
Sensualite vs. pornographie
Lors de sa sortie, les plans de nu de Monika, sa liberté de mœurs et ses tenues légères, ont scandalisés l’opinion et la critique. Ce qui valu au film d’être interdit au moins de 16 ans (censure la plus forte jusqu’en 1959) et exclusivement exploité dans les salles spécialisées dans les productions pornographiques. En 1956 la police saisira la copie dans trois salles de cinéma des environs de Los Angeles sous le même prétexte d’images indécentes et immorales.
Une attente de 4 ans
Boudé lors de sa sortie en 1954, Monika sera enfin remarqué en 1958 grâce à une reprise en circuit commercial à Paris, une rétrospective Bergman à la Cinémathèque française, ainsi que la critique élogieuse de Godard dans les Cahiers du cinéma.
Monika (Sommaren med Monika)
Suède, 1953, durée, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Ingmar Bergman
Scénario : Ingmar Bergman, Per Anders Fogelström, d’après le roman Monika de Per Anders Fogelström
Photo : Gunnar Fischer
Musique : Erik Nordgren
Montage : Tage Holmberg, Gösta Lewin
Décors : P.A. Lundgren
Production : Allan Ekelund, Svensk Filmindustri
Interprètes : Harriet Andersson (Monika), Lars Ekborg (Harry), Dagmar Ebbesen (la tante d’Harry), Åke Fridell (le père de Monika), Naemi Briese (la mere de Monika), Åke Grönberg (le collègue d’Harry), John Harryson (Lelle), Georg Skarstedt (le père d’Harry), Arthur Fischer, Sigge Fürst, Gert Fylking
Sortie en Suède : 9 février 1953
Sortie en France : 14 mai 1954
COPIE RESTAURÉE
Svenk Filmindustri StudioCanal
En partenariat avec StudioCanal, copies restaurées par Svensk Filmindustri
Distributeur : StudioCanal
La restauration a débuté en reprenant le négatif 35mm qui a été scanné en fichiers dpx 2K. Un master a été créé à partir des fichiers en utilisant, quand cela était possible, le matériel de référence. Après cette étape, le principal outil de restauration, Phoenix, a permis de supprimer toute poussière, rayure et autres défauts. Un Master a été créé sur support HDCAM SR et archivé les fichiers 2K sur support LTO.
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