Billetterie

Manille, dans les griffes des ténèbres

Maynila: Sa mga kuko ng liwanag

de Lino Brocka , Philippines , 1975

Ligaya (Hilda Koronel) quitte sa campagne pour Manille, espérant y trouver une vie meilleure. Sans nouvelles, son fiancé, Julio (Rafael Roco Jr.), un jeune pêcheur, décide de l’y retrouver. Pour survivre dans cette capitale tentaculaire, il se fait embaucher comme ouvrier sur un chantier. Mais il ne tarde pas à découvrir l’exploitation des hommes, les bidonvilles, les réseaux de prostitution… Une longue descente aux enfers, à la recherche de sa fiancée disparue.

manille-griffes-tenebresSi on a pu voir les films de Lino Brocka (1939-1991) et si on peut les redécouvrir aujourd’hui (au moins Manille, en attendant la restauration de son œuvre complète), c’est grâce à la fidélité de Pierre Rissient. Brocka a débuté en tant que metteur en scène pour la télévision, activité qu’il a toujours poursuivie en même temps que sa carrière cinématographique. Alors que les grosses productions à destination du grand public rencontrent un grand succès aux Philippines dans les années 1970, il entreprend une œuvre à visée artistique et informative, dans le but d’éveiller les consciences de ses concitoyens. « Brocka n’est pas un héros solitaire, écrivait Serge Daney, il est un personnage public, bien que marginal, exposé et calomnié, il reste protégé par sa notoriété à l’étranger. Il a quelques traits essentiels en commun avec Pasolini : le respect de la culture dite "inférieure", un attachement pour la beauté des corps et une volonté de disséquer les liens sociaux qu’ils représentent.  » Traitant de sujets politiques et sociaux, le réalisateur laisse derrière lui une œuvre singulière, à la fois arty et populaire. En présentant Manille lors de Cannes Classics en 2013, Pierre Rissient a déclaré : « Il reste sans aucun doute plusieurs personnes qui se souviennent encore de ce jour-là, au Festival de Cannes 1978, lorsque des rumeurs ont commencé à circuler sur un film à faible budget des Philippines. Lino était l’un des cinéastes les plus physiques que le cinéma ait jamais eus. Une véritable boule de feu. Il connaissait toutes les artères de cette ville grouillante, et il les infiltra comme il le fit avec les marginaux et les parias. Quand vous regardez Manille, vous êtes brûlés par une flamme qui ne s’éteint jamais. » L’histoire de cette descente aux enfers de Julio, indissociable de la découverte de la capitale philippine, est bouleversante. La copie du film a été restaurée en 2013 par la World Cinema Foundation et le Film Development Council des Philippes, au laboratoire de la Cineteca di Bologna / L’Immagine Ritrovata, sous la supervision avisée de Mike De Leon, directeur de la photographie du film.

Les griffes du néon
La véritable traduction du titre du roman d’Edgardo Reyes et de son adaptation au cinéma par Lino Brocka est « Manille, dans les griffes du néon », référence aux enseignes lumineuses dont les rues de la capitale philippine regorgent, ces lumières de néon qui, selon Brocka, « attirent les provinciaux comme des papillons de nuit viennent se brûler aux lampes. »

Coup de pied
Lino Brocka fait ajouter quelques lignes du scénario dans les publicités philippines pour son film : « À chaque coup de pied, même un chien réagit différemment. Au premier, il est surpris. Au second, il réfléchit. Au troisième, il se rappelle. Au quatrième, prenez garde ! » La réaction d’un homme à qui on vole son rêve, la réaction de Julio à qui on vole sa fiancée.

Phillipin
Manille est le seul film philippin présent dans le livre de Steven Jay Schneider, 1001 films à voir avant de mourir (Ed. Omnibus). Il est d’ailleurs considéré pour beaucoup comme le meilleur film de ce pays.

Manille, Dans les griffes des ténèbres (Maynila: Sa mga kuko ng liwanag)
Philippines, 1975, 2h05, couleurs, format 1.37
Réalisation : Lino Brocka
Scénario : Clodualdo Del Mundo Jr., d’après le roman Sa Mga Kuko ng Liwanag d’Edgardo Reyes
Photo : Mike De Leon
Musique : Max Jocson
Montage : Ike Jarlego Jr., Edgardo Jarlego
Décors : Alfonso Socito, Soxy Topacio
Production : Mike De Leon, Severino Manotok Jr., Cinema Artists
Interprètes : Hilda Koronel (Ligaya Paraiso), Rafael Roco Jr. (Julio Madiaga), Lou Salvador Jr. (Atong), Tommy Abuel (Pol), Jojo Abella (Bobby), Joonee Gamboa (Omeng), Pio De Castro III (Imo), Danilo Posadas (Ben), Joseph Jardinazo (Frank), Spanky Manikan (Gido), Edipolo Erosido (Eddie), Pancho Pelagio (M. Balajadia), Purita Yap (Nanay)

Sortie aux Philippines : 16 juillet 1975
Sortie en France : 28 avril 1982

Copie restaurée - World Cinema Foundation - Cineteca di Bologna
Présenté en version numérique 4K, restaurée en 2013 par la World Cinema Foundation en collaboration avec l’INA. La restauration a été réalisée aux laboratoires Eclairs et à la Cineteca di Bologna, L’Immagine Ritrovata, à partir des négatifs image et son, déposés par Pierre Rissient de la part de Lino Brocka au BFI National Archives au début des années 80. Avec la collaboration du directeur de la photographie Mike De Leon.




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