En juillet 1956, Bergman avait déclaré : « Celui qui, comme moi, est né dans une famille de pasteur, apprend très tôt à regarder derrière les coulisses de la vie et de la mort. Père a un enterrement, un mariage, un baptême, une méditation, il écrit un sermon. On fait très tôt connaissance avec le Diable, et, à la manière des enfants, on a besoin de lui donner une forme concrète. Or, c’est ici qu’entre en jeu la lanterne magique… » Propriétaire dès l’enfance d’un projecteur dont il ne s’est jamais séparé (il y consacre dans Laterna magica des lignes éloquentes), Bergman démontre avec Les Communiants le rôle capital que tient le cinéma dans son rapport à la foi. Ce sont évidemment ses propres croyances qu’il va mettre à distance, après des années d’interrogation. Cette foi vacillante, qui a pu inquiéter certains critiques à la sortie du film : « Ce film sombre, lit-on dans The New York Times, transmet un message glacé, oppressant qui ne parle que de frustration et de désespoir. C’est un film à voir et à méditer quand tombent les ombres. » Au départ, l’idée du réalisateur était de réaliser une trilogie (avec À travers le miroir et Le Silence) qui porterait le nom de "films de chambre", par analogie au "Kammerspiel" de Strindberg, dont Bergman reste un admirateur absolu.
Fidèle à ses comédiens, Bergman retrouve ici Ingrid Thulin, qu’il avait déjà dirigée dans Le Visage, Les Fraises sauvages ou Au seuil de la vie (et qu’il retrouvera dans Le Silence). Un film court (80mn), en format classique (1.37) et en noir et blanc : le classicisme européen des années 1950/1960. La réalisation, tout en discrétion, révèle sobrement le vide et le doute. Avec humilité, Bergman abandonne le superflu au profit d’un dénuement esthétique sublimé, filme le silence et l’absence, et signe une de ses œuvres les plus classiques.
Stravinski
C’est la Symphonie des psaumes de Stravinski qui a inspiré Les Communiants à Bergman, auteur du scénario. En entendant ce morceau à la radio pendant les fêtes de Pâques, il voit l’image d’un homme entrant dans une église, se dirigeant vers l’autel, disant : « Dieu où es-tu ? Je resterai ici jusqu’à ce que tu viennes et prouves ton existence. » Bergman : « J’ai écrit le film autour du sentiment déclenché alors, mais cette scène proprement dit ne se trouve pas dans le film. »
Une inspiration paternelle
Lors de la préparation du film, Ingmar Bergman fait le tour des églises. Il propose à son père, pasteur, de l’accompagner. Ce jour-là, ils se retrouvent tous deux dans une église, avec quelques paroissiens, une organiste, mais sans pasteur au moment où sonnent les cloches. Celui-ci arrive en retard, fiévreux, et annonce que l’office sera écourté. Bien que très âgé et se déplaçant difficilement, le pasteur Bergman se lève, discute fermement avec le pasteur et enfile une aube blanche. L’office et la communion devant l’autel seront bien assurés, et ce par le père de Bergman. Ce dernier tient là la fin de son film :« Quoi qu’il advienne, toujours tu célèbreras ton culte. »
Un tournant pour Sven Nykvist
Sven Nykvist, directeur de la photo, pense que son travail ne sera pas trop compliqué sur Les Communiants, l’action se déroulant sur quelques heures, principalement dans une église, à la lumière du jour. Mais lors de ses préparatifs, Bergman observe longuement dans les églises la lumière changeante au fil des heures. Et il souhaite que cela soit reproduit dans son film. Sven Nykvist conçoit alors pour la première fois ses réflecteurs (papier cuisson tendu sur un cadre en bois) et obtient ainsi la douce lumière indirecte chère au cinéaste.
Les Communiants (Nattvardsgästerna)
Suède, 1963, 1h21, noir et blanc, format 1.37
Réalisation & scénario : Ingmar Bergman
Photo : Sven Nykvist
Musique : Jean-Sébastien Bach (Suite n° 2 pour violoncelle)
Montage : Ulla Ryghe
Décors : P.A. Lundgren
Costumes : Mago
Production : Allan Ekelund, Svensk Filmindustri
Interprètes : Ingrid Thulin (Märta Lundberg, l’institutrice), Gunnar Björnstrand (Tomas Ericsson, le pasteur), Gunnel Lindblom (Karin Persson), Max von Sydow (Jonas Persson), Allan Edwall (Algot Frövik, le sacristain), Kolbjörn Knudsen (Knut Aronsson), Olof Thunberg (Fredrik Blom, l’organiste), Elsa Ebbesen (Magdalena Ledfors, la veuve)
Sortie en Suède : 11 février 1963
Sortie en France : 1er mai 1965
COPIE RESTAURÉE
Svenk Filmindustri StudioCanal
En partenariat avec StudioCanal, copies restaurées par Svensk Filmindustri
Distributeur : StudioCanal
La restauration a débuté en reprenant le négatif 35mm qui a été scanné en fichiers dpx 2K. Un master a été créé à partir des fichiers en utilisant, quand cela était possible, le matériel de référence. Après cette étape, le principal outil de restauration, Phoenix, a permis de supprimer toute poussière, rayure et autres défauts. Un Master a été créé sur support HDCAM SR et archivé les fichiers 2K sur support LTO.
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