« Il ne faut pas oublier le contexte de l’époque, où les avances sur recettes n’existent pas, où le cinéma est prospère et les salles pleines, rappelait, en avril 1984, Henri Verneuil dans La Revue du cinéma. C’est la grande époque du cinéma français. Il faut exister, ne pas faire un film, mais cinq, six et qui aient du succès. Pour moi, ce sont les Fernandel. Puis, enfin, un producteur me demande ce que j’ai envie de tourner. » Avec Les Amants du Tage, Verneuil tourne en effet, en partie, la page Fernandel pour une belle histoire d’amour, imaginée par Joseph Kessel. Accompagné de deux assistants réalisateurs français, Claude Pinoteau (rencontré sur le tournage des Compagnes de la nuit de Ralph Habib en 1953) et Jean Becker (qui a déjà officié chez son père pour Touchez pas au grisbi et Ali Baba et les quarante voleurs en 1954), le cinéaste lâche quelques envolées lyriques, musicales et visuelles. La mort plane sur cette romance portugaise, qui montre un Lisbonne que le cinéma nous offre soixante ans plus tard, intacte. Trevor Howard, visage connu depuis Brève Rencontre de David Lean (Brief Encounteer, 1945), incarne avec une belle présence cynique un commissaire sorti tout droit de Scotland Yard, très fidèle au personnage du roman de Kessel. Le couple Gélin-Arnoul forme un parfait duo d’amants énigmatiques et passionnés, hésitant entre abandon et calcul machiavélique : ce drame vibrant sur les amours tragiques de deux jeunes premiers emblématiques de la décennie dégage aujourd’hui un parfum très agréable. Verneuil manœuvre au son du fado et restitue, avec Louis Page, la sublime lumière de Lisbonne. Avec Les Amants du Tage, il signe une œuvre qui lui permet de faire un pas de côté vers un style plus personnel.
De la Provence à Lisbonne
C’est André Bernheim, l’agent de Verneuil, qui propose au réalisateur d’adapter le roman de Joseph Kessel. Après avoir filmé la Provence, le cinéaste accepte, ravi de pouvoir poser sa caméra au Portugal.
Un texte en phonétique
Engagé pour le rôle de l’inspecteur Lewis, Trevor Howard ne parle pas un mot de français. Il est donc décidé que son texte sera écrit à la craie sur des panneaux noirs et placés selon les différents angles de ses regards. Le tout écrit en phonétique, évidemment.
Amalia Rodrigues et Barco Negro
La "Reine du fado", la chanteuse et actrice portugaise Amalia Rodrigues, tient son propre rôle dans le film. Lors des essais, elle propose tout son répertoire, mais Verneuil, à la recherche du thème principal de son film, ne retient aucun morceau. Un soir, dans un café de Lisbonne, entendant une serveuse chanter une chanson brésilienne, il découvre la mélodie qu’il cherchait pour son thème. Les paroles seront écrites par l’écrivain portugais, David Mourão-Ferreira. La chanson Barco negro est née.
Les Amants du Tage
France, 1955, 2h03, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Henri Verneuil
Assistants réalisation : Claude Pinoteau, Jean Becker
Scénario : Jacques Companéez, Marcel Rivet, d’après le roman Les Amants du Tage de Joseph Kessel
Photo : Robert Hubert
Musique : Michel Legrand
Montage : Christian Gaudin
Décors : Jean d’Eaubonne
Production : Jacques Gauthier, Entreprise Générale Cinématographique, Fidès – Fiduciaire d’Éditions de Films, Hoche Productions
Interprètes : Daniel Gélin (Pierre Roubier), Françoise Arnoul (Kathleen Dinver), Trevor Howard (l’inspecteur Lewis), Marcel Dalio (Porfirio), Amalia Rodrigues (Amalia), Jacques Moulières (Manuel), Ginette Leclerc (Maria), Georges Chamarat (l’avocat), Betty Stockfeld (Maisie)
Sortie au Portugal : 18 janvier 1955
Sortie en France : 16 mars 1955
Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox