Au cours de l’année 1960, Verneuil signe avec Jean Gabin et Michel Audiard un contrat pour trois films. Il commence par adapter le roman de Simenon, Le Président, auquel il applique quelques changements. Ainsi, la scène de l’interpellation à la Chambre des députés, qui n’existait pas dans le livre, est un moment d’anthologie du cinéma français. « Comme en 1929, Jacques Feyder et Les Nouveaux Messieurs (montré à Lumière 2013), écrit Jean-Pierre Jeancolas dans Jeune Cinéma, Verneuil a reconstitué un Palais Bourbon de studio, où les figurants s’apostrophent avec toute l’emphase radicale des républiques mortes, la IIIe et la IVe, alors encore présentes dans toutes les mémoires : le film venait à son heure, c’était le temps où de nouveaux messieurs, vieux et frais gaullistes, se faisaient les dents, sans peine, sur le "régime des partis" et la toute puissance de l’Assemblée. » Le trio Gabin / Verneuil / Audiard est au sommet : la verve de l’un, la mise en scène de l’autre, les dialogues taillés comme un costume sur mesures du troisième.
« Le Président aura beaucoup de succès, n’en doutez pas, ironisa Jeander, dans le quotidien Libération du 1er mars 1961. Il y a toujours beaucoup de monde aux funérailles nationales. » Le percevant comme un éloge du poujadisme, ainsi qu’une menace à la Ve République naissante, la critique ne fut pas tendre avec le film – Verneuil s’y habituera, comme à celui de l’accueil inverse du public : Le Président fut un immense succès. Avec un Gabin incarnant le visage d’une vieillesse tout entière tournée vers le passé, on est loin du déferlement de la Nouvelle Vague – De Gaulle est revenu, les années 1950 s’éloignent. Vues aujourd’hui, les choses sont différentes : au-delà de la performance du grand acteur, pour la visite sociologique à la vie politique de la IVe, la dénonciation des marchés financiers, la construction de l’Europe, l’éloge de la démocratie, le film mérite un premier, ou un nouveau, détour.
L’hemicycle de Joinville
Afin de tourner les scènes de l’Assemblée nationale, une fidèle reproduction du Palais Bourbon fut construite dans les studios de Joinville et un huissier de la Chambre des députés à la retraite fut engagé comme conseiller technique. Il placera les six cents figurants dans l’hémicycle en fonction de leur aspect physique et de leur tenue vestimentaire : à droite, le style "grand-père noble", à gauche, les pantalons tirebouchonnés. Voyant Verneuil diriger les figurants à la baguette, le conseiller avouera que « jamais les parlementaires n’ont montré une telle discipline. »
Le discours du président
Le discours fleuve que prononce Beaufort devant la Chambre fut une source d’angoisse pour Jean Gabin. Henri Verneuil décide de tourner la scène d’un seul trait, la tirade d’Audiard ne supportant pas, à ses yeux, les coupures. Mais Gabin n’a pas pour habitude de mémoriser ses textes par cœur. Il le fera donc exceptionnellement pour cette scène, rappelant Georges Clemenceau et Jean Jaurès, dont l’acteur s’est inspiré.
Une officielle escorte
Ayant besoin d’une escorte officielle pour la scène de la visite du Premier ministre britannique, Henri Verneuil décide de demander à la véritable escorte officielle du général de Gaulle de jouer dans le film. Ainsi, pendant une journée, les motards du président de la République seront mis à la disposition du réalisateur.
Le Président
France, Italie, 1960, 1h50, noir et blanc, format 1.66
Réalisation : Henri Verneuil
Scénario : Henri Verneuil, Michel Audiard d’après le roman Le Président de Georges Simenon
Dialogues : Michel Audiard
Photo : Louis Page
Musique : Maurice Jarre
Montage : Jacques Desagneaux
Décors : Jacques Colombier
Production : Jacques Bar, Cité-Films, Fidès – Fiduciaire d’Éditions de Films, Terra Film, G.E.S.I. Cinematografica
Interprètes : Jean Gabin (Émile Beaufort), Bernard Blier (Philippe Chalamont), Renée Faure (Mlle Milleran), Henri Crémieux (Antoine Monteil), Alfred Adam (François, le chauffeur), Louis Seigner (Lauzet-Duchet), Robert Vattier (Dr Fumet), Louis Arbessier (Jussieu), Charles Cullum (Sir Merryl), Françoise Deldick (Huguette), Jean Ozenne (un ministre), Jean Martinelli (un ministre), Georges Adet (un ministre), Hélène Dieudonné (la cuisinière), Pierre Larquey (Augustin)
Sortie en France : 1er mars 1961
COPIE RESTAURÉE
Roissy Films
Tamasa
Distributeur : Tamasa Distribution
Restauration et numérisation avec le soutien du CNC.
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