Le Bonheur est un film typique des années 1930, un classique du mélodrame, avec en tête d’affiche les vedettes du moment, ici Gaby Morlay et Charles Boyer. Ce dernier était à la veille d’une grande carrière à Hollywood, et la performance qu’il livre ici est une des rares qu’il fit pour le cinéma français de l’époque. Un événement tout à fait unique se déroula sur le tournage. L’Herbier fut gravement accidenté à la suite de la chute d’une caméra mal vissée qui tomba sur lui, lui brisant le poignet et le blessant à l’œil, qui ne guérira jamais. Cet indicent malheureux fut néanmoins à l’origine d’une avancée pour la législation des professionnels du cinéma : « En 1934, la qualité d’auteur de film n’était pas reconnue et la responsabilité civile de l’employeur ne jouait pas automatiquement. » (Marcel L’Herbier, La Tête qui tourne, Belfond, 1979). L’Herbier soutint qu’il devait être protégé en tant qu’auteur, fonction qu’il assumait lorsqu’il était sur un plateau de tournage. Suite à un procès de sept ans avec les studios, le réalisateur obtint gain de cause, ce qui fit jurisprudence : tous les réalisateurs sont, depuis, considérés comme des auteurs. Le Bonheur se détache nettement du reste de l’œuvre de Marcel L’Herbier, aujourd’hui associé aux films muets classiques et ambitieux tels que L’Inhumaine (1924) ou L’Argent (1928). Loin du théâtre filmé, on assiste à une merveille de mise en scène et de photographie, que ce soit dans les scènes intimistes ou les grands mouvements de foule. Le Bonheur est un film charmant, porté par les prestations de Charles Boyer, Michel Simon et Gaby Morlay. Entre romantisme et satire, il s’agit d’un des meilleurs de Marcel L’Herbier : « Modèle de mélodrame détourné, d’une intelligence, d’une mesure, d’une discrétion formelle rares. Miracle du cinéma qui joue ici un extraordinaire cache-cache pirandellien avec lui-même. » (Claude Beylie, 1976)
Réception
Le film bénéficie à sa sortie de très belles critiques et le public est enthousiaste. De longues files d’attente se forment ainsi devant le Marignan. Le film sera exploité trois ans.
Henri Bernstein au cinéma
Ce dramaturge français né en 1876, spécialisé dans le théâtre de boulevard, a été à plusieurs reprises adapté au cinéma : par exemple, en 1936, par Maurice Tourneur avec Samson, en 1938, par Marc Allégret avec Orage (d’après Le Venin) et plus récemment, en 1986, par Alain Resnais avec Mélo.
Boyer-Morlay
L’Herbier voulait tourner avec Charles Boyer. Il lui propose un projet, alors que l’acteur est à Hollywood. Celui-ci lui répond qu’il ne reviendra à Paris que pour tourner avec lui l’adaptation du Bonheur de Bernstein. Les droits de la pièce sont déjà entre les mains d’Émile Natan, qui a par ailleurs sous contrat Gaby Morlay. Heureux hasard, car Charles Boyer rêvait depuis quelque temps d’accompagner la comédienne à l’écran comme il l’avait déjà fait sur scène.
Moustache
Au moment de choisir ses acteurs, Marcel L’Herbier pense à Jaque-Catelain pour le rôle du mari de Clara Stuart, le noble Geoffroy de Chabré. L’acteur étant à Los Angeles, il lui câble : « Si vous pouvez être à Paris 20 septembre prêt à tourner vous propose beau rôle ingrat dans Le Bonheur – stop – Gaby, Charles et moi serions ravis vous avoir – stop – de préférence avec moustache – stop – réponse urgente. » L’acteur répond immédiatement : « Oui, avec moustache ou avec barbe… »
Le Bonheur sur scène
Charles Boyer et Michel Simon reprennent dans le film les rôles qu’ils avaient créés en 1933 pour la pièce d’Henri Bernstein, sur la scène du Théâtre du Gymnase. Sur les planches, ils étaient accompagnés par Yvonne Printemps.
Le Bonheur
France, 1935, 1h38, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Marcel L’Herbier
Assistants réalisation : Jean Dréville, Ève Francis
Scénario : Marcel L’Herbier, Michel Duran, d’après la pièce Le Bonheur d’Henri Bernstein
Photo : Harry Stradling
Musique : Billy Colson
Montage : Jacques Manuel
Décors : Guy de Gastyne
Costumes : Jacques Manuel
Production : Bernard Natan, Émile Natan, Pathé-Natan
Interprètes : Charles Boyer (Philippe Lutcher), Gaby Morlay (Clara Stuart), Michel Simon (Noël Malpiaz), Jaque-Catelain (Geoffroy de Chabré), Paulette Dubost (Louise Dumont), Jean Toulout (Maître Balbant), Georges Mauloy (le président du tribunal), Léon Arvel (l’avocat général)
Sortie en France : 8 février 1935
Copie restaurée - Pathé
Distributeur : Pathé
Copie numérique issue d’une restauration 2K..
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