Né Achod Malakian, le 15 octobre 1920, à Rodosto, en Turquie, Henri Verneuil débarqua à Marseille quatre ans plus tard, fuyant avec sa famille le génocide perpétré contre les Arméniens. Après des études d’ingénieur, pour faire plaisir à son père et soulager financièrement la famille, il se tourne vers le journalisme de cinéma et la radio avant de se lancer dans la réalisation à Paris à la fin des années 1940. C’est un cinéphile : « J’ai appris le cinéma en voyant des films. Beaucoup de films », déclara-t-il à l’Institut Lumière qui l’invita quelques mois avant sa mort. Il réalise plusieurs courts métrages et devient assistant sur le film de Robert Vernay, Véronique (1950). C’est en partie à Fernandel qu’il doit ses débuts dans le long métrage. En 1947, jouant dans le premier court métrage de Verneuil, Escale au soleil, Fernandel (alors l’une des plus grandes vedettes françaises) se prend d’amitié pour lui et l’impose au producteur de La-Table-aux-Crevés et du Fruit défendu. Le premier sera réalisé en 1951, le deuxième l’année suivante. Jusqu’à la fin des années 1950, Fernandel restera son acteur attitré – il le dirigera sept fois –, jusqu’à La Vache et le prisonnier (1959), son plus gros succès. La Table-aux-Crevés est le premier film, aujourd’hui oublié, d’Henri Verneuil, adapté du roman de Marcel Aymé, qui venait d’inspirer deux fois le cinéma en 1951 (Garou-Garou, le passe-muraille de Jean Boyer et La Belle Image de Claude Heymann). Ce fut un grand succès. Verneuil répondra qu’il avait pris ses précautions : « Avant de vous exprimer, prenez donc d’abord une histoire très très forte qui cachera vos maladresses. » Le titre évoque le petit bois où les habitants de Cantagrel et de Saissigné ont l’habitude de régler les querelles à coup de fusils de chasse… Le tournage eut lieu du 18 juin au 4 août 1951, les scènes d’extérieurs se situant à Cabriès et Aix-en-Provence, ainsi que dans le port de Callelongue, près de Marseille. Les intérieurs furent tournés aux Franstudios de Marseille. Bien que Verneuil laisse de côté l’amertume réaliste d’Aymé, l’association des images du cinéaste (élevé à l’école du cinéma américain, Verneuil se révèle d’emblée bon technicien) et de l’intrigue de l’écrivain fait des étincelles, que distille un Fernandel en pleine forme. Répliques à la verve entraînante, humour sardonique, humeur provençale, le film évoque aussi la France de 1930-1950 à laquelle Fernandel (qui séduisait jusqu’aux Américains) était identifié. Il offre ici son brio et son expérience à un jeune metteur en scène qui lui restera fidèle.
« Entre marseillais ! »
En 1947, Verneuil tourne sur Marseille, Escale au soleil, un de ses premiers courts métrages. Il contacte Fernandel qui accepte de « paraître pour rien », arguant qu’il peut bien faire cela pour lui, « entre Marseillais ! ». Plus tard, lorsqu’on lui propose La Table-aux-Crevés, Fernandel exige que Verneuil en assure la réalisation. Ce sera le début d’une longue amitié et d’une fructueuse collaboration.
La provence
L’action du roman de Marcel Aymé se déroule dans le Jura. Mais Henri Verneuil décide de la déplacer en Provence, expliquant : « L’humour de Marcel Aymé, lu avec l’accent provençal, prenait une autre dimension. Il aurait pu être signé Giono ou Pagnol. » D’ailleurs, c’est à eux qu’on pense irrémédiablement en voyant le film.
Prix Renaudot
Le livre de Marcel Aymé La Table-aux-Crevés avait reçu le Prix Renaudot en 1929. S’il est devenu cliché d’évoquer «l’anarchisme de droite » de l’écrivain français, il faut bien reconnaître que le caractère anti-social du film saute aux yeux dès les premières images et donne au film une force et une fraicheur surprenantes et bienvenues.
La Table-aux-Crevés
France, 1951, 1h32, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Henri Verneuil
Scénario : Henri Verneuil, André Tabet, d’après le roman La Table-aux-Crevés de Marcel Aymé
Photo : André Germain
Musique : Louiguy
Montage : Gabriel Rongier
Décors : René Moulaërt
Production : Les Films Vendôme, Les Films Marceau
Interprètes : Fernandel (Urbain Coindet), Maria Mauban (Jeanne Gary), Andrex (Frédéric Gary), Antonin Berval (le père Gary), René Génin (le curé), Fernand Sardou (Forgeral), Alexandre Arnaudy (le père Miloin), Marcel Charvey (Rambarde), Jenny Hélia (La Cornette), Mado Stelli (Louise), Marthe Marty (la mère Miloin), Max Mouron (Le Corne), Manuel Gary (le marin), Henri Vilbert (Victor), Édouard Delmont (Capucet)
Sortie en France (Marseille) : 10 octobre 1951
Sortie en France (Paris) : 1er février 1952
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