Fin des années 1950. Bergman connaît une gloire que ses compatriotes lui reconnaissent désormais. Quand il ne tourne pas, il est au théâtre, bâtissant année après année une œuvre personnelle, originale et profondément suédoise – comme le sera le travail de Fellini, qui refusera aussi les sirènes internationales.
Avec La Source, Bergman livre une transposition de la ballade intitulée La Fille de Töre à Vänge. Selon la romancière Ulla Isaksson, à qui l’on doit l’adaptation et le scénario du film : « Le sujet revêt sur le sol nordique son véritable caractère de légende et devient lié au jaillissement d’une source et à la construction d’une église. Le scénario s’efforce de conserver la clarté à la fois cruelle de la ballade, sa compréhension vigoureuse et son message chrétien. » Alors qu’il assume la problématique religieuse du Septième sceau, Bergman nuance cette motivation pour La Source : « La représentation divine a commencé à se craqueler. Elle subsiste plutôt comme décor. Mes propres représentations étaient en voie de disparition. » Lorsque le film sort sur les écrans, Bergman est plutôt au creux de la vague. En effet, contrairement au Septième sceau et aux Fraises sauvages, dont le succès fut unanime, son film précédent, Le Visage, n’a rencontré ni la critique ni le public. Néanmoins, La Source est porté aux nues à Cannes, et remporte le Grand prix de la critique, puis plus tard l’Oscar du meilleur film étranger. Mais malgré ces récompenses, l’accueil est plutôt mitigé : propos incompréhensible, sujet trop banal, œuvre mineure, et, par-dessus tout, enfle une polémique autour de la scène de viol que comporte le film, jugée gratuite et insoutenable. Jean de Baroncelli s’oppose à tout cela à l’époque dans Le Monde : « Reprocher à Bergman la simplicité de son film, c’est lui reprocher d’avoir su exprimer par des moyens purement cinématographiques la limpide poésie de la ballade archaïque. Tout est réduit à l’essentiel, et par ce dépouillement extrême, tout est transcendé. » À la suite d’une projection privée du premier montage, Bergman confie redouter le même amalgame qu’a subi le roman L’Amant de lady Chatterley de David Herbet Lawrence, à savoir une sincérité du propos, incomprise par certains lecteurs dubitatifs. Aujourd’hui, La Source est l’un des films de Bergman les mieux notés sur le site international IMDb.
De la suéde moyenageuse à l’amérique des 70’s
En 1972, Wes Craven, qui deviendra un des grands noms du cinéma d’horreur, s’inspire de La Source pour réaliser son premier (et grand) film, La dernière maison sur la gauche (The Last House on the Left), qui fera lui-même l’objet d’un remake par Dennis Iliadis en 2009.
Une légende nordique
Le film est tiré d’une ballade du Moyen-âge d’après un sujet d’origine romane, repris dans de nombreux récits en vers et en prose. Mais c’est dans les pays nordiques qu’il acquiert le statut de légende et où on y évoquera le jaillissement de la source et la construction d’une église. Bergman s’intéressait à cette légende depuis ses études de littérature à l’université.
Un nouveau collaborateur
Après avoir travaillé de nombreuses années avec Gunnar Fischer, Bergman s’adjoint les services d’un nouveau directeur de la photo, Sven Nykvist, rencontré en 1953 sur La Nuit des forains. Par la suite, ils travailleront ensemble pour de très nombreux films du cinéaste dont Cris et chuchotements et Fanny et Alexandre pour lesquels il recevra l’Oscar de la meilleure photographie. Sven Nykist est mort en 2006.
Polémique
À la sortie du film, toutes les critiques, favorables ou non, soulignent la violence du film et de l’insoutenable scène de viol. Un quotidien suédois pose même publiquement la question de savoir si cette scène est nécessaire, la majorité des lecteurs de l’époque répondra non. Qu’en dirait-on aujourd’hui, pour La Source, et pour les films qui ont suivi ?
La Source (Jungfrukällan)
Suède, 1960, 1h29, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Ingmar Bergman
Scénario : Ulla Isaksson d’après une ballade du XIVe siècle La Fille de Töre à Vänge
Photo : Sven Nykvist
Musique : Erik Nordgren
Montage : Oscar Rosander
Décors : P.A. Lundgren
Costumes : Marik Vos-Lundh
Production : Allan Ekelund, Svensk Filmindustri
Interprètes : Max von Sydow (Töre), Birgitta Valberg (Märeta), Gunnel Lindblom (Ingeri), Birgitta Pettersson (Karin), Axel Düberg (le pâtre efflanqué), Tor Isedal (le pâtre muet), Allan Edwall (le mendiant), Ove Porath (le jeune pâtre), Gudrun Brost (Frida), Oscar Ljung (Simon), Tor Borong (un valet de ferme), Leif Forstenberg (un valet de ferme)
Sortie en Suède : 8 février 1960
Sortie en France : 7 décembre 1960
COPIE RESTAURÉE
Svenk Filmindustri StudioCanal
En partenariat avec StudioCanal, copies restaurées par Svensk Filmindustri
Distributeur : StudioCanal
La restauration a débuté en reprenant le négatif 35mm qui a été scanné en fichiers dpx 2K. Un master a été créé à partir des fichiers en utilisant, quand cela était possible, le matériel de référence. Après cette étape, le principal outil de restauration, Phoenix, a permis de supprimer toute poussière, rayure et autres défauts. Un Master a été créé sur support HDCAM SR et archivé les fichiers 2K sur support LTO.
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