D’origine russe, la réalisatrice et écrivaine Nelly Kaplan est née dans une famille installée en Amérique du Sud. Quand elle arrive en France dans les années 1950, elle travaille comme correspondante pour l’Argentine où elle est née. Elle devient ensuite l’assistante d’Abel Gance en 1956 (notamment sur Austerlitz en 1960, Cyrano et d’Artagnan en 1964) ce qui représentera pour elle la meilleure des écoles. Dès 1961, Nelly Kaplan entreprend une série de courts métrages d’art qui sont présentés avec succès dans le monde entier, et en 1967, c’est Le Regard Picasso, réalisé à l’occasion de la rétrospective Pablo Picasso organisée au Grand Palais, pour lequel elle reçoit un Lion d’or à la Mostra.
Pour son premier long métrage, Nelly Kaplan souhaitait « aborder l’histoire d’un individu qui se met volontairement en-dehors des lois et qui se condamne, par là-même, à être maudit. J’ai toujours été attirée par ce qu’on appelle les "sorcières" (les fées ne sont d’ailleurs que des sorcières qui n’ont pas réussi !) et j’ai toujours regretté qu’on s’obstine à les brûler ! » Propos qui prend tout son sens dans le milieu social du film : un bourg paysan, un noyau social synthétique et obtus, que Kaplan a préféré dynamiter. La révolte de Marie va de pair avec un changement de cadence dans le film. Après l’ouverture lente sur le village à la sortie de l’hiver (une vaste étendue de boue sous le ciel), la seconde partie du film est plus rythmée, évoluant conjointement à la libération progressive de Marie. Le talent de la cinéaste est, entre autres, de provoquer un rire immédiat, teinté d’une pointe de cynisme car chacun se reconnait un peu dans ses personnages. Nelly Kaplan ne fait pas dans la demi-mesure, épinglant avec virulence la lâcheté et l’absence de morale des protagonistes de cette farce, et à travers eux, la société. Un film truculent, incisif, brillant dans lequel Bernardette Lafont « incarne avec bonheur l’image même de la révolte et de la subversion », écrit alors Marcel Martin dans Les Lettres Françaises.
Michel Constantin
Cet ancien joueur international de basket, puis journaliste sportif, se vit offrir par Jacques Becker son premier rôle dans Le Trou en 1960.
Symboliques
Plusieurs détails du film sont volontairement référencés. Ainsi, le nom de village Tellier et les attitudes libérées de l’héroïne ont été choisis par Nelly Kaplan en référence à Guy de Maupassant et sa nouvelle La Maison Tellier (1881), dans lequel il dresse le portrait d’une maison close de province et des pensionnaires qui la peuplent. En outre, l’idée du bouc comme animal favori de Marie trouve son point de départ dans la représentation populaire imagée de la Luxure, qui chevauche cet animal affilié au Diable.
Accueils (de luxe)
Michelangelo Antonioni : « La Fiancée du pirate est un film satirique, et le fait même que la satire semble si aigüe démontre que c’est un film réussi. Il possède en outre un côté surréaliste qui lui enlève tout lien direct avec une ambiance donnée. » Jean-Jacques Pauvert : « Il y aura maintenant ceux qui aiment et ceux qui détestent La Fiancée du pirate. Les seconds ne seront pas les amis d’aucuns de ceux dont l’opinion nous importe. »
La Fiancée du pirate
France, 1969, 1h47, couleur, format 1.66
Réalisation : Nelly Kaplan
Assistants réalisation : Joseph Drimal, Nicole Sztabowicz
Scénario : Michel Fabre, Nelly Kaplan, Claude Makovski, Jacques Serguine
Photo : Jean Badal, Jean Monsigny
Musique : Georges Moustaki
Montage : Noëlle Boisson, Nelly Kaplan, Suzanne Lang-Willar, Gérard Pollicand
Décors : Michel Landi, Patrick Lafarge, Jean-Claude Landi
Production : Nelly Kaplan, Claude Makovski, Cythères Film
Interprètes : Bernadette Lafont (Marie), Georges Geret (Gaston Duvalier), Michel Constantin (André), Julien Guiomar (le Duc), Jean Paredes (Monsieur Paul), Francis Lax (Émile), Claire Maurier (Irène), Henry Czarniak (Julien), Jacques Marin (Félix Lechat), Pascal Mazzotti (l’Abbé Dard), Marcel Peres (Pépé), Micha Bayard (Mélanie Lechat), Fernand Berset (Jeanjean), Gilberte Geniat (Rose), Jacques Masson (Polite), Renée Duncan (Delphine), Claire Ollivier (la Mère), Louis Malle (Jésus)
Sortie en France : 3 décembre 1969
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