Terminé avant Cela ne se produirait pas ici (Sånt händer inte här, 1950), Jeux d’été sortira toutefois après. Les amours d’été sont alors à la mode sur les écrans suédois, en particulier grâce au film d’Arne Mattsson Elle n’a dansé qu’un seul été (Hon dansade en sommar, 1951), qu’on compara parfois à celui de Bergman. Pourtant, ce dernier insiste (auprès de Jacques Rivette dans le numéro de juin 1958 des Cahiers du cinéma) sur la singularité de son projet : « Il fait partie de ma propre chair. Je préfère Sommarlek pour des raisons d’ordre intime. J’ai fait Le Septième Sceau avec mon cerveau, Sommarlek avec mon cœur. Pour la première fois, j’avais l’impression de travailler d’une façon personnelle, d’avoir réalisé un film qu’aucun autre ne pourrait refaire après moi. » On assiste dans cette œuvre à la sublimation de deux moments dont le cinéaste se souvient avec nostalgie : les premières amours et les étés sur les îles suédoises. La mort, omniprésente dans l’œuvre du cinéaste, vient briser l’amour – ce dernier ne serait-il qu’éphémère ? Pourtant, le film s’achève sur une note d’optimisme, par laquelle Bergman semble placer l’amour au-dessus de la religion. Le film fait se côtoyer deux styles de mise en scène : le présent est d’une forme plutôt classique, quand le flashback évoque le cinéma direct. La liberté de cadrage, les lumières ensoleillées ou crépusculaires, et la nature sauvage qui imprègne la pellicule font de Jeux d’été un songe mélancolique, hommage à une période à jamais disparue. Le visage de Maj-Britt Nilsson, que l’on peut considérer comme la première égérie bergmanienne, se trouve scindé en deux parties, technique préfigurant les images de Persona (1966).
En France, le film sort sept ans après sa présentation en Suède, et les critiques sont élogieuses. Voici celle de Bernard Chardère (fondateur de Positif et premier directeur de l’Institut Lumière), dans Cinéma 58 : « Bergman transfigure le thème des amours de vacances pour poser des questions lourdes de sens, tenter d’y répondre, proposer sa vision du monde. Sommarlek est une œuvre dont on admire l’habileté et la sincérité. » Et, en janvier 1958, celle de Jean-Luc Godard, alors critique aux Cahiers du cinéma : « Dans l’histoire du cinéma, il y a cinq ou six films dont on aime à ne faire la critique que par ces seuls mots : "C’est le plus beau des films !" Parce qu’il n’y a pas de plus bel éloge. Sommarlek est le plus beau des films. »
Génèse
« J’ai fait Le Septième Sceau avec mon cerveau, et Jeux d’été avec mon cœur. »
Le scénario de Jeux d’été est adapté d’une nouvelle qu’Ingmar Bergman écrit lorsqu’il a seize ans, inspirée par l’été qu’il vient de passer sur l’île d’Ornö. Il y rencontre une jeune fille solitaire habitant dans une grande maison inachevée, où se croisent un père handicapé, une mère à la beauté fanée et d’étranges invités. « C’était un peu comme entrer dans une nouvelle de Tchekhov. » Un amour timide nait entre ces deux êtres solitaires. À son retour, il couche dans son cahier de latin cette histoire dont le sujet était pour lui « ce qu’il y a de meilleur dans la vie : des vacances d’été dans l’archipel de Stockholm et un premier amour. »
L’opéra
L’Opéra et le ballet dans lesquels Bergman décide de placer son intrigue étaient familiers au réalisateur. Il fut en effet pendant deux ans assistant metteur en scène à l’Opéra Royal de Stockholm. Il y fera ses armes avant de retrouver le théâtre, qu’il conjugua toute sa vie au cinéma.
L’été nordique comme source d’inspiration
Aussi court que sublime, l’été suédois est un personnage récurrent de l’œuvre de Bergman. Après avoir célébré le bonheur fugitif qu’il apporte dans Vers la joie (Till glädje, 1950), le cinéaste placera de nouveau l’action de Monika et de Sourires d’une nuit d’été au sein de cette saison dont l’atmosphère si particulière est à chaque fois imprimée sur la pellicule par le directeur de la photo Gunnar Fischer.
Jeux d’été (Sommarlek)
Suède, 1951, 1h36, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Ingmar Bergman
Scénario : Ingmar Bergman, Herbert Grevenius, d’après la nouvelle non publiée Marie d’Ingmar Bergman
Photo : Gunnar Fischer
Musique : Erik Nordgren, Léo Delibes, Frédéric Chopin, Piotr Ilitch Tchaïkovski (Le Lac des cygnes)
Montage : Oscar Rosander
Décors : Nils Svenwall Production : Allan Ekelund, Svensk Filmindustri
Interprètes : Maj-Britt Nilsson (Marie), Birger Malmsten (Henrik), Alf Kjellin (David Nyström), Annalisa Ericson (Kaj), Georg Funkquist (l’oncle Erland), Stig Olin (le maître de ballet), Mimi Pollak (Mme Calwagen, la tante d’Henrik), Renée Björling (la tante Elisabeth), Gunnar Olsson (le prêtre)
Sortie en Suède : 1er octobre 1951
Sortie en France : 30 avril 1958
COPIE RESTAURÉE
Svenk Filmindustri StudioCanal
Distributeur : StudioCanal
Restauré par Criterion
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