Inglourious Basterds contient tout ce qu’on s’attend à trouver dans un film de Tarantino : la rapidité, la tension, la violence, l’humour, et disons-le (même avec précaution) un certain génie : « Un film sous speed et stéroïdes » comme le définit l’acteur-réalisateur Eli Roth ! Néanmoins, tout cela est au service d’un sujet inédit chez le cinéaste : la Seconde Guerre mondiale. Peu habitué à évoluer dans une réalité historique précise, le réalisateur s’est plongé dans la période de l’Occupation française. Mais ce souci de justesse factuelle n’a en rien amoindri l’ambition artistique du film, et la représentation de l’époque qu’offre Tarantino est indiscutablement inédite ! « J’aime l’idée que le pouvoir du cinéma combatte les nazis. Mais pas juste comme une métaphore. Littéralement. » Il détourne les codes habituels pour offrir un tribut à la diversité et à la richesse des cultures, des genres et des minorités. Le personnage féminin de Shosanna est exemplaire : une femme pendant la guerre, propriétaire d’un cinéma, et qui vit une histoire d’amour avec son employé noir, cela aurait pu être peu crédible, mais c’est avant tout superbe. Le choix dans le traitement des langues à l’écran est aussi très spécifique. Tarantino met de côté la sempiternelle habitude anglo-saxonne de faire parler tous les acteurs, quelle que soit leur origine, en langue anglaise. Chaque pays est représenté par sa propre langue, et cela imprime véritablement au film sa visée internationale, devenant même à plusieurs reprises un enjeu narratif : quiconque maîtrise différentes langues détient un pouvoir indéniable sur autrui. Ce melting-pot de la parole se caractérise par un beau casting international, de Brad Pitt à Mélanie Laurent, de Diane Kruger à Daniel Brühl et Michael Fassbender. Plus une révélation : l’acteur autrichien Christoph Waltz, dont la performance en colonel effrayant est inoubliable. Cerise sur le gâteau pour le cinéaste-cinéphage, toutes les étapes du processus cinématographique (salle de cinéma, fauteuils, cabines, pellicule nitrate, gros plans) sont données au spectateur. Et exposant plus que jamais son amour du cinéma, Tarantino fait un pas de côté vers l’Histoire : « J’ai fait ça de manière inconsciente, et avant tout parce que ces éléments servaient l’histoire, déclare-t-il à Serge Kaganski dans Les Inrockuptibles. Quand j’ai eu l’idée de me servir de la pellicule nitrate comme d’une bombe, j’ai su que j’étais sur les bons rails. Je me suis exclamé "Quelle idée géniale ! Comment se fait-il que personne ne l’ait eue avant ?" »
Le film dans le film
Réalisé par Eli Roth (réalisateur d’Hostel en 2005 et acteur dans plusieurs films de Tarantino), le court métrage La Fierté des nations (Stolz der Nation) est une parodie des films de propagande nazie.
Une révélation, donc
Christoph Waltz a été récompensé plusieurs fois pour son interprétation du colonel Hans Landa, S.S. chasseur de juifs, polyglotte, naviguant entre comique et perversion. Cet acteur autrichien a 30 ans de carrière lorsqu’il est choisi par Tarantino. Il reçoit d’abord le Prix d’interprétation à Cannes où il remerciera son réalisateur par ces mots : « Tu m’as rendu ma vocation. ». Puis un Golden Globe, et l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle… En 2013, il a été membre du jury du Festival de Cannes, sous la présidence de Steven Spielberg.
Une très longue genèse pour une rapide production
Quentin Tarantino y a pensé pendant près de dix ans. Il commence la rédaction du scénario après Jackie Brown, puis le met de côté pour d’autres films, y revient. Il s’interroge aussi sur la forme que prendra ce projet : film, roman, mini-série… Après Boulevard de la mort, le cinéaste se remet à l’écriture et termine le script le 2 juillet 2008. Comme il en a beaucoup parlé autour de lui, c’est un défilé d’amis et connaissances dans le bureau de la productrice associée Pilar Savone le jour de publication du scénario, tous voulant enfin lire le projet tant attendu. Et la suite ira très vite, Tarantino désirant terminer le film pour le Festival de Cannes 2009, où il figurera en compétition.
Polémique & mise au point
Jean Narboni (« Un barbare en anti-nazi » dans Quentin Tarantino, Un cinéma déchainé, Capricci, 2013) : « Y a-t-il accusation plus inconséquente que celle de révisionnisme portée contre une uchronie comme Inglourious Basterds ? La réécriture de l’histoire et la révision de son cours sont la définition même d’un genre artistique où, à partir d’une période avérée, l’auteur invente une suite d’événements comme déroulement d’une contre-histoire qui aurait pu avoir lieu. » Mise au point salutaire : à Cannes, lors de l’avant-première mondiale, certains critiques théoriques et idéologiques s’élevèrent : « Comment peut-on s’amuser avec cette Histoire ? ». Tarantino n’en aura jamais fini avec la réserve d’une partie de l’intelligentsia. Pas tous : Claude Lanzmann le défendra vigoureusement.
Inglourious Basterds
États-Unis, Allemagne, 2009, 2h33, couleurs, format 2.35
Réalisation & scénario : Quentin Tarantino
Photo : Robert Richardson
Musique : Nick Perito & His Orchestra (The Green Leaves of Summer), Ennio Morricone (The Verdict -Dopo la Condanna-, L’incontro con La Figlia, Il Mercenario –Ripresa-, The Surrender, Mystic and Severe, Un Amico, Rabbia e Tarantella), Charles Bernstein (White Lightning, Bath Attack, Hound Chase), Billy Preston (Slaughter), Ennio Morricone & Gillo Pontecorvo (Algeri, 1 novembre 1954), David Bowie (Cat People -Putting Out Fire-), Davie Allan & The Arrows (The Devil’s Rumble), Lalo Schifrin (Tiger Tank), Elmer Bernstein (Zulus), Ray Charles / Rare Earth (What’d I Say), Chung Ting Yat (Eastern Condors), Jacques Loussier (Claire’s First Appearance, The Fight), Riz Ortolani (Theme)
Montage : Sally Menke
Décors : David Wasco
Costumes : Anna B. Sheppard
Production : Lawrence Bender, Henning Molfenter, Carl L. Woebcken, Christoph Fisser, Universal Pictures, The Weinstein Company, A Band Apart, Zehnte Babelsberg Film GmbH
Interprètes : Brad Pitt (lieutenant Aldo Raine), Mélanie Laurent (Shosanna Dreyfus), Christoph Waltz (colonel Hans Landa), Eli Roth (sergent Donny Donowitz), Michael Fassbender (lieutenant Archie Hicox), Diane Kruger (Bridget von Hammersmark), Daniel Brühl (Fredrick Zoller), Til Schweiger (sergent Hugo Stiglitz), Gedeon Burkhard (caporal Wilhelm Wicki), Jacky Ido (Marcel), B.J. Novak (soldat Smithson Utivich), Omar Doom (soldat Omar Ulmer), August Diehl (major Hellstrom), Denis Menochet (Perrier Lapadite), Léa Seydoux (Charlotte Lapadite), Sylvester Groth (Joseph Goebbels), Martin Wuttke (Hitler), Mike Myers (général Ed Fenech), Julie Dreyfus (Francesca Mondino), Rod Taylor (Winston Churchill)
Sortie aux États-Unis : 21 août 2009
Présentation au Festival de Cannes : 20 mai 2009
Sortie en France : 19 août 2009
Je 17 en présence de Vincent Pérez
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