Premier film tourné entièrement en Israël, et plus particulièrement à Haïfa, sur les lieux mêmes où les Israéliens luttèrent pour leur indépendance. Otto Preminger est parvenu à reconstituer l’attaque de la forteresse d’Acre, à reconstruire près de Nazareth le village d’enfants de Gan Dafna, à tourner dans l’antique cité de Caesarea et dans les villages bibliques, tout comme il a fait venir par avion à Chypre des centaines de figurants israéliens pour incarner les réfugiés juifs de l’Exodus. « Utilisant pour la sixième fois le format du Cinémascope, qu’il adore et qu’il emploie aussi bien pour les scènes intimistes que pour les scènes à grande figuration, Preminger atteint un par un, avec une sorte de jubilation paisible, les buts qu’il s’est fixés dans la seconde partie de sa carrière : exaltation du positif, respect des positions antagonistes, authenticité et objectivité, expression d’une confiance en l’homme. » (Jacques Lourcelles, Dictionnaire du cinéma, Laffont, 1999). Avec ce témoignage historique sur les moments antérieurs à la proclamation de l’État d’Israël, le réalisateur de Laura (1944), Bonjour tristesse (1958) et La Guerre des otages (1979), signe une odyssée extrêmement émouvante. C’est sans doute le premier film pour lequel il montre un tel investissement personnel, tant il illustre une intrication entre ses préoccupations intimes, sa religion et ses convictions politiques. Le film eut un énorme succès à sa sortie, il est considéré comme le chef-d’œuvre du cinéaste. « La seule épopée historique moderne. Tout était parfait, la multiplicité des personnages, le caractère précis de leurs affrontements, le cheminement d’une action, tout entière fondée sur l’admirable visage d’Eva Marie Saint. Le script de Dalton Trumbo motivait chaque coup de théâtre, nourrissait chaque geste que Preminger replaçait dans un contexte d’une rare complexité. » (Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, 50 ans de cinéma américain, Nathan, 1995)
Dalton Trumbo, scénariste blacklisté
Otto Preminger confie le travail d’adaptation à Dalton Trumbo. Ce scénariste, futur réalisateur en 1971 de Johnny s’en va-t-en guerre (Johnny Got His Gun), fait partie des Dix d’Hollywood. En 1947, lors de la commission d’enquête sur les influences communistes dans l’industrie cinématographique, ce groupe de professionnels avait refusé de répondre à la question posée par la chambre du comité des activités anti-américaines : « Êtes-vous ou avez-vous été membre du Parti communiste américain ? ». Victime du maccarthysme, il est emprisonné pendant plusieurs mois et inscrit sur la Liste noire, ce qui l’empêche de travailler pour l’industrie cinématographique. Il part alors au Mexique et continue de travailler sous pseudonyme. C’est finalement en 1960, lorsqu’Otto Preminger demande à United Artists qu’il soit crédité au générique sous son vrai nom, que Dalton Trumbo sort officiellement de la Liste noire.
Génèse
Otto Preminger lit le manuscrit de Leon Uris avant même qu’il soit édité. Séduit, il y voit le film historique qu’il veut réaliser depuis longtemps, sans la lourdeur des costumes, les reconstitutions antiques… Un sujet historique, mais également contemporain. S’apercevant que les droits d’adaptation cinématographique ont déjà été acquis par la MGM (qui avait même financé une partie des recherches de Leon Uris), il réussit à convaincre le studio de les lui revendre. Le roman paraît et c’est un énorme succès. L’intuition de Preminger était bonne.
Décors
Le tournage a entièrement été réalisé en décors naturels, extérieurs et intérieurs. Il n’y a pas eu un seul jour de studio.
Saul Bass, un graphiste au cinéma
Graphiste né à New York en 1920, Saul Bass commence sa carrière dans la publicité. Mais c’est en s’installant à Los Angeles et en travaillant sur la création d’affiches qu’il décide de consacrer l’essentiel de son travail au domaine cinématographique. Il rencontre Otto Preminger pour la conception de l’affiche de Carmen Jones (1954) et révolutionne les méthodes en vigueur : au lieu d’utiliser des éléments visuels du film (extraits, photos d’acteurs…), il créé un symbole graphique fort. Pour Carmen Jones, ce sera la rose. Pour L’Homme au bras d’or (The Man with the Golden Arm, 1955) du même Preminger, ce sera un bras stylisé. Preminger lui demande alors de réaliser également le générique du film, jugé jusque-là comme ennuyeux. Pour la première fois, une note accompagnant les bobines demande aux projectionnistes d’ouvrir les rideaux avant le générique. Les deux hommes travailleront ensemble pour de nombreux films dont Bonjour Tristesse (1958), Autopsie d’un meurtre (Anatomy of a Murder, 1959)… et Exodus. Saul Bass collaborera avec les plus grands : Alfred Hitchcock, Billy Wilder, Stanley Kubrick, Martin Scorsese… Martin Scorsese qui dira de ses génériques : « Quand son travail apparaît à l’écran, le film lui-même commence vraiment. »
Oscar
Le travail d’Ernest Gold pour la musique du film a été récompensé par un Oscar en 1961.
Exodus
États-Unis, 1960, 3h32, couleurs (Technicolor), format 2.20
Réalisation : Otto Preminger
Scénario : Dalton Trumbo, d’après le roman Exodus de Leon Uris
Photo : Sam Leavitt
Musique : Ernest Gold
Montage : Louis R. Loeffler
Décors : Richard Day, Bill Hutchinson
Costumes : Hope Bryce
Production : Otto Preminger, Carlyle Productions
Interprètes : Paul Newman (Ari Ben Canaan), Eva Marie Saint (Kitty Fremont), Ralph Richardson (le général Sutherland), Peter Lawford (le major Caldwell), Lee J. Cobb (Barak Ben Canaan), Sal Mineo (Dov Landau), John Derek (Taha), Hugh Griffith (Mandria), Gregory Ratoff (Lakavitch), Felix Aylmer (Dr. Lieberman), David Opatoshu (Akiva Ben Canaan), Jill Haworth (Karen), Marius Goring (Von Storch), Alexandra Stewart (Jordana Ben Canaan)
Avant-première à New York : 15 décembre 1960
Sortie aux Etats-Unis : 21 décembre 1960
Présentation au Festival de Cannes : 3 mai 1961
Sortie en France : 17 mai 1961
Distributeur : Swashbuckler
En avant-première de sa ressorite en salles le 23 octobre 2013.
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