La crise économique des années 1930 aux États-Unis a souvent exercé une fascination sur les cinéastes américains –sur les fils (voir de nombreux films réalisés en 1933 et 1934, par William Wellman et Frank Borzage en particulier), mais aussi les petits-fils de la période. Pour dépeindre cette époque, Ashby choisit un personnage entré dans la mythologie du protest-song : Woody Guthrie. Sujet difficile, car marqué historiquement, et, de surcroît, le chanteur refusa souvent de signer des contrats avec des maisons de disque ou des chaînes de télévision, refusant de se compromettre en édulcorant les propos contestataires de ses chansons. Guthrie appartient à la légende dorée des dieux et des héros de la folk-music. Né en 1912, mort en 1967, chanteur talentueux armé de sa seule guitare, il a arpenté les routes de son pays pour rendre aux plus déshérités de ses concitoyens le goût de vivre et l’espoir de jours meilleurs. Un millier de chansons évoquent l’épopée des migrations aux États-Unis, la pauvreté, le vagabondage et la naissance du syndicalisme. Le film retrace les quatre années les plus décisives de celui qui inspira Bob Dylan et dont le fils, Arlo Guthrie, fut la vedette d’Alice’s Restaurant d’Arthur Penn (1969) – autre film illustrant la réponse de la jeunesse américaine des années 1960 à la société américaines d’alors. De fait, le biopic d’Ashby est un double portrait de l’Amérique, en crise dont les images de milliers de gens en haillons, de trains de marchandises bondés d’émigrants, de récoltes brûlées par les « dust storms » sont l’illustration pour les années 1930. C’est David Carradine (dont le père John jouait dans le film de Ford Les Raisins de la colère, adapté du roman de John Steinbeck), le justicier de la série Kung Fu, qui prête à Guthrie sa silhouette dégingandée et son expressivité nonchalante. Le rôle fait écho à l’homme privé Carradine, participant au mouvement beatnik et adepte de la non-violence. Hal Ashby souhaitait tout d’abord utiliser la voix de Guthrie pour les chansons, mais changea d’avis lorsqu’il se trouva devant « une telle personnalité, qui a rendu le personnage tout à fait plausible ». À travers ce parcours symbolique, Ashby construit pas à pas une sorte de poétique de la marginalité, où il montre la liberté de création face à la censure, l’oppression, la responsabilité du citoyen et celle de l’artiste. Sa foi en l’humanité, malgré les coups durs de l’Histoire, semble rester intacte. Comme ce film méconnu, sélectionné à l’époque en compétition à Cannes et qui remporta l’Oscar de la meilleure photographie et de la meilleure chanson de film.
Woodie Guthrie
Natif de Okemah, Oklahoma, Woddie Guthrie est un chanteur et guitariste folk. Sous l’effet du krach boursier de 1929, il part pour la Californie. Au contact de la misère, son engagement politique et syndical naît, et Guthrie oppose ses chansons contestataires aux milices des exploitations agricoles et aux autorités policières. Il fait de ses guitares des armes, gravant sur chacune d’elles la phrase « This Guitare Kills Fascists ». Jour après jour, il constitue un vaste répertoire (on parle de 1000 chansons). Il meurt en 1967, non sans avoir fortement influencé le courant de nombreux protest singers des années 1960.
Carradine, père et fils
John Carradine, père de David, joue dans l’adaptation des Raisins de la colère par John Ford (1940). Le film raconte l’histoire de la famille de Tom Joad (à l’esprit duquel Springsteen consacrera un album, The Ghost of Tom Joad), poussée sur les routes par la Grande Dépression et le Dust Bowl. Cette tempête de poussière qu’on trouve dans la région des Grandes Plaines aux États-Unis donnera son nom à un genre musical, le Dust Bowl Ballad.
Les Okies
Un Okie est un américain natif de l’Oklahoma, mais dès les années 1930, le terme prend une tournure péjorative, particulièrement en Californie, pour désigner les ouvriers agricoles itinérants, pauvres, parfois accompagnés de leur famille, forcés d’abandonner leurs terres pendant la Grande Dépression. Le terme sera rendu célèbre par John Steinbeck dans son roman Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath) publié en 1939.
Bob Dylan et Bruce Springsteen
Dylan s’est longtemps réclamé de Guthrie, lui dédiant sa première chanson et allant régulièrement à l’hôpital où le vieux chanteur se mourait. Springsteen a longtemps eu l’habitude de reprendre en concert This Land Is Your Land, le contre-hymne américain de Guthrie, qui répondait à God Bless America.
Steadicam
Inventé par Garrett Brown, le steadicam est utilisé pour la première fois dans En route pour la gloire pour filmer un plan séquence. Ce système permet de stabiliser la prise de vue, d’effectuer des travellings fluides, grâce à un système de harnais et de bras articulé, fixé sur l’opérateur steadicam.
En route pour la gloire (Bound for Glory)
États-Unis, 1976, 2h27, couleurs, format 1.85
Réalisation : Hal Ashby
Scénario : Robert Getchell, d’après En route pour la gloire de Woody Guthrie
Photo : Haskell Wexler
Musique : Leonard Rosenman, chansons de Woody Guthrie
Montage : Pembroke J. Herring, Robert Jones
Décors : Michael Haller, James L. Berkey
Costumes : William Theiss
Production : Robert F. Blumofe, Harold Leventhal, United Artists
Interprètes : David Carradine (Woody Guthrie), Ronny Cox (Ozark Bule), Melinda Dillon (Mary/Memphis Sue), Gail Strickland (Pauline), John Lehne (Locke, le directeur de la station de radio), Ji-Tu Cumbuka (Slim Snedeger, un vagabond), Randy Quaid (Luther Johnson), Elizabeth Macey (Liz Johnson), Susan Vaill (Gwen Guthrie), Sarah Vaill (Gwen Guthrie), Alexandra Mock (Sue Guthrie), Kimberly Mock (Sue Guthrie)
Sortie aux États-Unis : 5 décembre 1976
Présentation au Festival de Cannes : 19 mai 1977
Sortie en France : 25 mai 1977
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