Après deux films immergés dans le passé, Que la fête commence (1975) et Le Juge et l’assassin (1976), Bertrand Tavernier percute, avec Des enfants gâtés, la réalité urbaine des années 1970. « Le film n’offre de la capitale qu’une vision de chantiers de construction, de grands ensembles immobiliers sans âme et de périphériques encombrés. L’image qu’a le cinéaste de Paris est incontestablement désenchantée, ce qui n’empêche pas, bien au contraire, la conscience de classe et l’action politique », écrivait le critique N.T. Binh lors d’une présentation récente du film au Forum des images à Paris. Cet aspect quasi-documentaire, associé à une image prise sur le vif, était recherché par Tavernier : « Les images se veulent violentes, sans appel, parfois hyperréalistes. Mon film m’a échappé, la machine s’est emballée. J’envisageais une comédie, puis l’humour est devenue ironie. » À fleur de peau, et de social, le cinéaste dénonce les scandales immobiliers à Paris. Deux acteurs extrêmement impliqués l’accompagnent : Michel Piccoli et Christine Pascal. Ceux-ci incarnent deux êtres en proie au doute, Bernard et Anne, qui croisent leurs solitudes au carrefour de toutes les possibilités. Ils égrènent ensemble les mots de la tendresse et ceux de la violence mais ils ne savent parler que sur le ton doux-amer. Christine Pascal, qui donne à Anne sa conscience et sa révolte, a également collaboré à la rédaction du scénario avec Charlotte Dubreuil et Bertrand Tavernier : « Charlotte Dubreuil m’a tempérée car j’avais tendance à être trop radicale, raconta-t-elle à la sortie du film. Et Bertrand voulait que Piccoli soit un type embourgeoisé dans ses principes, ses habitudes dans un mariage de vingt ans, un type qui charrie ses contraintes et qui, à cause d’une fille, ses actes, ses paroles, sa façon de vivre la sexualité, est ébranlé dans ses fondations. » La performance de Christine Pascal est incroyablement juste, et ses maladresses, ses refus, ses indignations et ses rires sonnent les premiers pas libres de jeune adulte.
Toscan
Daniel Toscan du Plantier a produit de nombreux films et s’est toujours contenté de rester derrière la caméra. Une rare exception : son apparition dans un rôle de député de Paris dans Des enfants gâtés. Beau prétexte pour évoquer la figure de ce personnage immense disparu il y a tout juste dix ans.
Six mains pour un scenario
Charlotte Dubreuil travaille avec Bertrand Tavernier sur une première version du scénario. Elle cerne très vite le personnage de l’épouse de Bernard Rougerie. Puis le cinéaste demande à Christine Pascal de participer également à l’écriture. « Je crois que Christine et moi avons servi de révélateur à Bertrand, confiera Charlotte Dubreuil. Christine Pascal, davantage provocatrice, le poussait dans ses derniers retranchements. Moi qui recherche les racines des gens, je l’aidais à savoir qui étaient les personnages. Je servais un peu de médiatrice. » Tavernier : « Un scénario, ce n’est pas comme dans les films : un type assis à sa machine… C’est quelque chose de physique… On marche, on s’engueule, on s’étripe, c’est formidable ! »
Une histoire personnelle
Les revendications des locataires et la mise en place d’un comité de défense sont inspirées par l’histoire de Bertrand Tavernier. En avril 1973, le réalisateur et son épouse (la scénariste et écrivain Colo Tavernier-O’Hagan) se voient notifier leur congé, quelques jours après la constitution d’un comité et sa participation à la vérification des comptes de charges de leur immeuble. Comme son personnage Bernard Rougerie, il organisera alors conférence de presse et rendez-vous avec les pouvoirs publics, dénonçant un abus de droit.
Filmer en famille
Bertrand Tavernier décide de faire jouer ses deux enfants dans Des enfants gâtés. C’est la première apparition au cinéma de Nils, devenu depuis acteur et réalisateur (son nouveau film, L’Épreuve d’une vie, sortira début 2014), et la seconde de Tiffany, future assistante réalisatrice, romancière et scénariste. Colo, son épouse, s’occupe quant à elle des costumes.
Des enfants gâtés
France, 1977, 1h53, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation : Bertrand Tavernier
Scénario : Charlotte Dubreuil, Christine Pascal, Bertrand Tavernier
Photo : Alain Levent
Musique : Philippe Sarde
Montage : Armand Psenny
Costumes : Colo Tavernier
Production : Alain Sarde, Michel Piccoli, Bertrand Tavernier, Gaumont, Sara Films, Films 66, Little Bear Production
Interprètes : Michel Piccoli (Bernard Rougerie), Christine Pascal (Anne Torrini), Michel Aumont (Pierre), Gérard Jugnot (Marcel Bonfils), Arlette Bonnard (Catherine Rougerie), Georges Riquier (Mouchot), Gérard Zimmermann (Patrice Joffroy), Claudine Mavros (la mère d’Anne), Geneviève Mnich (Guite Bonfils), Michel Berto (Muzard), Liza Braconnier (Danièle Joffroy),
Florence Haguenauer (Anne-Marie Clairon), Thierry Lhermitte (Stéphane Lecouvette), Brigitte Catillon (Valérie), Michel Blanc (le jeune homme de l’agence), Martin Lamotte (Mathias, un ami d’Anne), Daniel Toscan du Plantier (le député), Tiffany Tavernier (une enfant), Nils Tavernier (un enfant)
Sortie en France : 7 septembre 1977
Films français présentés avec sous-titres Anglais
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