Dès la fin des années 1920, Alfred Hitchcock était le réalisateur le plus célèbre de Grande-Bretagne, et les innovations, l’humour et les obsessions que l’on caractérise aujourd’hui comme hitchcockiennes, étaient déjà là. Chantage était à l’origine un film muet, que le cinéaste commença en tant que tel. Mais le sonore pointait son nez. « J’étais persuadé que lorsque le film serait terminé, on me demanderait d’y ajouter le dialogue, ou bien de le refaire entièrement dans sa version sonore, a raconté Hitch à Truffaut. C’est pourquoi tout en le tournant dans sa version muette, j’imaginais que Blackmail était un film parlant. » L’avenir lui donna raison et il livrera deux versions du film, une muette et une parlante. Cette dernière a été restaurée par le British Film Institute dans le cadre du projet Rescue the Hitchcock 9, en travaillant directement à partir du négatif original. Le résultat est remarquable. La version muette a été restaurée par le même BFI, en 1993, avec un accompagnement musical de Jonathan Lloyd. Il est fantastique de pouvoir redécouvrir cette version originale muette, rare et méconnue – elle sera montrée également. Des images saisissantes, un montage fluide et une évocation vibrante de la vie de Londres à cette époque envoûtent tout autant que l’amertume de l’histoire d’amour tournant soudainement mal. « Hitchcock envisagea Chantage comme un splendide prétexte pour explorer les rapports inextricables de la sexualité et de la violence, territoires qu’il avait déjà fait siens dans The Ring et d’autres films » écrit Patrick McGilligan dans le définitif Alfred Hitchcock, une vie d’ombres et de lumière publié par l’Institut Lumière et Actes Sud, en 2011. Hitchcock, avec l’aide méconnue de Michael Powell à l’écriture, s’affirme déjà comme le « maître du suspens » qu’il deviendra pour le XXe siècle, et désormais le suivant. Il nous entraîne dans la logique insidieuse d’une construction exemplaire, qui joue de nos peurs avec virtuosité et que fondent des rapports équivoques entre des personnages, tour à tour victime ou bourreau.
Un sens aigu de l’observation
Michael Powell : « Hitch possédait une connaissance tout à fait particulière de Londres. Pour ce qui était des couches populaires représentées dans notre film, boutiquiers, marchands de quatre-saisons, colporteurs, marchandes d’allumettes, ouvriers de la confection, policiers, détectives, reporters, indics, voleurs et pickpockets, il ne cessait de m’enchanter par l’étendue de son savoir et l’acuité de ses dons d’observation. »
Hitch et Bennett
En choisissant d’adapter avec lui sa pièce Blackmail, Hitchcock trouve en Charles Bennett un fidèle collaborateur. Après Chantage, ils travailleront de nouveau ensemble pour les scénarios de L’Homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much, 1934), Les 39 marches (The 39 Steps, 1935), Quatre de l’espionnage (Secret Agent, 1936), Jeune et innocent (Young and Innocent, 1937), Correspondant 17 (Foreign Correspondent, 1940)…
Le Londres des années 1920
Chantage semble parfois être un reportage sur Londres dans les années 1920. Les rues, l’ambiance, le métro, tout y est reconnaissable, témoignage de ce qu’était la ville entre les deux guerres. C’est ça aussi, le cinéma.
Le premier doublage de l’histoire !
Lors de l’enregistrement des scènes parlantes, le fort accent tchèque d’Anny Ondra pose problème. La solution : l’actrice mime le dialogue devant la camera pendant qu’une autre actrice, Joan Barry (future vedette en 1931 d’À l’est de Shanghai - Rich and Strange -, d’Alfred Hitchcock), récite le texte dans une cabine son.
Visite royale
Lors du tournage de Chantage, Hitchcock reçoit la visite du duc et de la duchesse d’York. Celle qui deviendra plus tard l’épouse de George VI, puis Queen Mum, est connue pour sa passion pour le cinéma. Après un tour des studios, une présentation des caméras, elle visite la cabine son. Et adroitement encouragée par le cinéaste à essayer le casque, elle se voit obligée de faire une entorse au protocole de la Couronne britannique : elle retire son célèbre chapeau !
Chantage (Blackmail)
Royaume-Uni, 1929, 1h15 - version muette, 1h25 - version parlante, noir et blanc, format 1.20
Réalisation : Alfred Hitchcock
Scénario : Alfred Hitchcock, Charles Bennett, d’après la pièce Blackmail de Charles Bennett
Dialogues (version parlante) : Benn W. Levy
Photo : Jack Cox
Musique (version parlante) : Jimmy Campbell, Reginald Connelly
Montage : Emile de Ruelle
Décors : C. Wilfred Arnold
Production : John Maxwell, British International Pictures Ltd.
Interprètes : Anny Ondra (Alice White), Sara Allgood (Mrs. White), Charles Paton (Mr. White), John Longden (l’inspecteur Frank Webber), Donald Calthrop (Tracy), Cyril Ritchard (M. Crewe, l’artiste), Hannah Jones (Mrs. Humphries, la propriétaire), Harvey Braban (l’inspecteur en chef), Bishop (le sergent), Percy Parsons (le malfaiteur), Johnny Butt (le sergent Bishop), Alfred Hitchcock (l’homme dans le métro)
Sortie au Royaume-Uni
(version sonore) : 30 juin 1929
(version muette) : juillet 1929
COPIE RESTAURÉE
British Film Institute
(version muette)
CINÉ - CONCERT
Projection à l'Auditorium de Lyon, avec l'Orchestre National de Lyon, dirigé par Leonard Slatkin.
Avec le soutien de la Sacem
Distributeur : StudioCanal / Tamasa Distribution
Restauration numérique en 4K réalisée par le BFI National Archive dans le cadre du projet "Rescue the Hitchcock 9", en collaboration avec StudioCanal. Principal financement fourni par le Hollywood Foreign Press Association et la Film Foundation. Financement complémentaire par Deluxe 142, Pia Getty, Col & Karen Needham, et la Dr Mortimer & Theresa Sackler Foundation.
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