Boulevard de la mort

À l’origine du projet : la volonté des cinéastes Robert Rodriguez (Desperado, Sin City) et Quentin Tarantino de réaliser chacun la moitié d’un film « Grindhouse », ces programmes où l’on voyait deux films déjantés pour le prix d’un (les productions Roger Corman y avaient une place de choix) dans des salles de quartier des années 1970. Le bizarre scénario de Boulevard de la mort ne peut se réduire à un genre spécifique. Bien qu’il se réfère aux "slasher movies", aux "car chase movies" ou aux films de série Z, Tarantino signe un film très personnel. La connaissance de ce moment de l’histoire du cinéma et le respect qu’il lui porte en le reconstituant minutieusement, lui permettent de transcender un genre précis pour créer son propre style. Ce qui frappe, c’est aussi un désir de légitimer ces films souvent sévèrement jugés, un cinéma à petit budget, projeté dans des mauvaises conditions, avec un public considéré comme peu exigeant. Lors d’un long entretien à Hollywood entre Bertrand Tavernier et Quentin Tarantino, ce dernier déclare : « Les grands classiques, ça me connaît ! Mais franchement, la subversion vient toujours de la minorité. Et je défends le désordre, en cinéphilie. Quand c’est différent, quand ce n’est pas tout à fait pour l’intelligentsia, mais un peu plus pour l’homme de la rue et quand c’est d’une certaine façon plus orgasmique, en voyage ! » (Amis américains, Bertrand Tavernier, Institut Lumière/Actes Sud, 2008). Sa liberté artistique, qu’il a obtenue puis défendue, est renforcée par le fait que le réalisateur endosse ici de nouvelles fonctions, jamais tenues jusque-là : producteur et directeur de la photo. Tarantino se plaît alors, tant au niveau du récit que de l’image, à brouiller les cartes déjà connues du spectateur, comme le démontre notamment sa façon de distiller une certaine tension dans les moments calmes. Un tueur fou qui rôde, des courses-poursuites impressionnantes, des dialogues qui tranchent dans le vif, Boulevard de la mort est un film exaltant et jouissif.

Zoë Bell
La cascadeuse néozélandaise était la doublure de Uma Thurman dans Kill Bill. Tarantino décida d’écrire pour elle. Elle joue donc son propre rôle dans Boulevard de la mort. Habituée à rester dans l’ombre, Zoë Bell n’en est pas revenue : « J’avais le sentiment que mon personnage parlait comme moi. Il s’est servi de mes expressions et d’une ou deux anecdotes qu’on a vécues en Chine. C’était sidérant. »

Un film Grindhouse
À l’origine, Boulevard de la mort faisait partie du double programme Grindhouse. Hommage au cinéma d’exploitation américain des années 1970, le programme était composé du film de Tarantino en première partie et de Planète terreur (Planet Terror) de Rodriguez en seconde, le tout entrecoupé de fausses bandes annonces réalisées par leurs amis. Au final, ce système de "double feature" étant peu connu en Europe, les films de Tarantino et Rodriguez sont sortis indépendamment l’un de l’autre.

De la fausse bande-annonce au vrai film
Le double programme original était entrecoupé de cinq bandes-annonces hilarantes pour des films qui ne devaient jamais voir le jour : Machete de Robert Rodriguez, Werewolf Women of the SS de Rob Zombie, Don’t d’Edgar Wright, Hobo With a Shotgun de Jason Eisener et Thanksgiving d’Eli Roth. Finalement, face à l’engouement du public, Machete sera réellement tourné, coréalisé par Robert Rodriguez et Ethan Maniquis, et sortira fin 2010. Et Machete 2 en cet automne 2013.

Un cinéaste féministe
Pascal Bonitzer : « Il y a un féminisme de Tarantino, revendiqué et représenté de la façon la plus crue par Boulevard de la mort : deux cascadeuses vengent le meurtre de quatre jeunes femmes par un cascadeur psychopathe sans savoir qu’elles les vengent. La partie la plus réjouissante du film tient cependant en de longs dialogues apparemment décousus, mais réalistes,
où Tarantino fait parler les filles entre elles. » (in Quentin Tarantino,
Un cinéma déchainé, Capricci, 2013)