Billetterie

Une femme douce

de Robert Bresson , France , 1969

Une jeune femme (Dominique Sanda) se défenestre. Le mari (Guy Frangin), devant le corps inerte de son épouse, repense au passé pour essayer de comprendre son geste. Il se remémore tout : sa rencontre, deux ans plus tôt, avec cette lycéenne de 16 ans, pauvre et orpheline, qui deviendra sa femme, son insatiable curiosité, alors que lui ne pense qu’à gagner de l’argent, la distance qui s’installe entre eux, la jalousie dont il fait preuve, le jour où elle voulut le tuer…

une-femme-douceLe réalisateur de Journal d’un curé de campagne (1951), Pickpocket (1959), et Mouchette (1967), aborde ici pour la première fois la couleur, de façon si discrète qu’on ne le remarquerait pas au premier abord. Bresson parvient ainsi à créer une atmosphère glacée, à la tonalité froide sans être austère. Peu importe : quelle que soit la teinte, Bresson envoûte, enveloppe son film d’une ambiance en apparence neutre. Tout comme la lumière est douce autour du couple, qui a transformé ce cocon possible en prison. S’inspirant d’un récit de Dostoïevski, Bresson est allé chercher Dominique Sanda, ici dans son premier rôle. « Sa beauté émouvante ne change rien à l’effet de tristesse infinie qui émane d’elle dès la première apparition : une pâleur extrême, une évanescence de noyée au fil de l’eau. Bresson, continuant de s’enhardir, nous montre pour la première fois son héroïne nue, de face comme de dos, et cette peau si blanche et ces formes parfaites semblent celles d’une statue ou d’une morte. » (Jean-Michel Frodon, Robert Bresson, Cahiers du cinéma, 2008). Le personnage du mari cherche à comprendre ce suicide, mais peut-être n’y a-t-il rien à comprendre ? L’énigme n’en serait finalement pas une, laissant un vide impossible à combler. Bresson montre l’incommunicabilité des êtres, qui ouvrent et ferment sans cesse des portes sans jamais se rencontrer entre elles, ni se regarder dans les yeux. Il semble pourtant qu’on les connaît, ces personnages, qu’on accède à leur intériorité, si chère au cinéaste : « Ne pas tourner pour illustrer une thèse, ou pour montrer des hommes et des femmes arrêtés à leur aspect extérieur, mais pour découvrir la matière dont ils sont faits. Atteindre ce "cœur du cœur", qui ne se laisse prendre ni par la poésie, ni par la philosophie, ni par la dramaturgie. » (Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Gallimard, 1995). Un film phare, splendide et déroutant.

Le premier rôle de Dominique Sanda
Comme à son habitude depuis Un condamné à mort s’est échappé (1956), Robert Bresson choisit des acteurs non-professionnels. Pour incarner "sa femme douce", il choisit un jeune mannequin, Dominique Sanda. Le cinéaste est frappé par l’image de la cover girl, puis, lors de leur rencontre, par sa voix. C’est le premier rôle au cinéma de celle qui deviendra une grande comédienne, au cinéma comme au théâtre. Très rapidement après Une femme douce, elle joue dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci (Il conformista, 1970), Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica (Il giardino dei Finzi Contini, 1970), 1900 de Bernardo Bertolucci (Novecento, 1976)… Ainsi que dans Une chambre en ville de Jacques Demy, programmé lors de Lumière 2013.

Couleurs
Une femme douce est le premier film en couleurs de Robert Bresson. Ce changement est redouté par le réalisateur : « On pourrait croire que l’on atteindra au réalisme, mais la couleur, au fond, ne fait qu’extérioriser ; son "réalisme" est donc faux ! C’est ce faux réalisme que je tente de vaincre. […] Je ne pense pas que la couleur, en général soit mauvaise, mais personnellement, je m’en méfie sérieusement, car ce que je veux en faire est très délicat ! »


Une femme douce
France, 1969, 1h45, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation & scénario : Robert Bresson d’après la nouvelle Une femme douce de Fédor Dostoïevski
Photo : Ghislain Cloquet
Musique : Jean Wiener
Montage : Raymond Lamy
Décors : Pierre Charbonnier
Production : Mag Bodard, Marianne Productions, Parc Film
Interprètes : Dominique Sanda (elle), Guy Frangin (lui), Jeanne Lobre (Anna), Claude Ollier (le médecin), Jacques Kébadian (le dragueur), Gilles Sandier (le maire), Dorothée Blanck (l’infirmière)

Sortie en France : 28 août 1969

COPIE RESTAURÉE
Les Acacias

Distributeur 
: Les Acacias
Restauration 2K menée à partir du négatif original 35mm, avec les laboratoires Éclair. Le scan des images brutes a été conservé sur LTO5, support numérique de préservation, le plus approprié à ce jour. La restauration image est faite en utilisant les logiciels de filtrage, de stabilisation, de réduction de bruit, et, enfin, une palette type Flame pour les gros défauts. Avec la collaboration de Mylène Bresson. Présenté en avant-première de sa ressortie le 6 novembre 2013.


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